> TAL-COAT (Pierre Louis Corentin (1905-1985)

TAL-COAT (Pierre Louis Corentin (1905-1985)

Biogrpahie


Pierre TAL-COAT, de son vrai nom Pierre-Louis Jacob, est né le 12 décembre 1905 à Clohars-Carnoet dans le Finistère et décédé le 12 juin 1985 en Normandie.


C’est un peintre non figuratif français appartenant à l’École de Paris. En 1915 son père, marin-pêcheur, meurt sur le front d’Argonne. A partir de 1918 il est apprenti forgeron tandis qu’il commence à dessiner et sculpter. Tal Coat obtient une bourse de pupille de la nation et entre à l’école primaire supérieure de Quimperlé. 


En 1924, il dessine au crayon, au fusain ou au pastel, des personnages et des paysages de la campagne bretonne. Tal Coat est modèle à l’Académie de la Grande Chaumière, mouleur à la Manufacture de Sèvres et se lie avec le peintre Émile Compard.


En 1925 et 1926, il accomplit son service militaire à Paris dans les cuirassiers. Il rencontre alors Auguste Fabre et Henri Bénézit et expose dans leur galerie sous le nom de Tal Coat (« Front de bois » en breton) qu’il gardera toute sa vie, pour éviter l’homonymie avec le poète quimpéroix Max Jacob.


De 1927 à 1929, il séjourne en Bretagne à Doëlan, il se lie avec Francis Gruber, puis André Marchand, Gertrude Stein, Francis Picabia, Ernest Hemingway, Giacometti, Balthus, Artaud, Tzara, Paul-Émile Victor.


En 1930, il est de retour à Paris. A partir de 1932, il est membre du groupe « Forces Nouvelles ». En 1936, il proteste contre la guerre d’Espagne par la série des Massacres. Mobilisé en 1939 à Saint-Germain-en-Laye puis à Ermenonville dans le service du camouflage, et démobilisé en 1940 à Montauban, Tal Coat gagne, avec André Marchand, Aix-en-Provence où se sont réfugiés de nombreux artistes, notamment Charles-Albert Cingria et Cendrars.


En 1941, il participe à l’exposition des « Vingt jeunes peintres de tradition française » organisée par Bazaine. En 1943, il expose à la Galerie de France. En 1945, il  rentre à Paris où il participe au premier Salon de Mai; il retourne l’année suivante à Aix, au Château Noir (remise de Cézanne quand il peignait au Tholonet), où il fait bientôt la connaissance d’André Masson, du philosophe Henri Maldiney et du poète André du Bouchet qui demeureront ses intimes.


Sa peinture devient alors non figurative. Avec les artistes de la nouvelle École de Paris, la Galerie de France (de 1943 à 1965), les galeries Maeght (de 1954 à 1974), Benador (de 1970 à 1980) puis la galerie H-M, la galerie Clivage et la galerie Berthet-Aittouarès exposent ensuite régulièrement sa peinture.


En 1956, seize de ses peintures sont présentées à la Biennale de Venise avec celles de Jacques Villon et de Bernard Buffet. Aux côtés de Joan Miró et d’Ubac, il collabore en 1963 aux réalisations de la Fondation Maeght à une mosaïque pour le mur d’entrée.


En 1968, il reçoit le Grand Prix National des Arts.


En 1976, une grande exposition rétrospective lui est consacrée au Grand Palais de Paris.


De 1961 jusqu’à sa mort, Tal Coat s’installe à la Chartreuse de Dormont (Saint-Pierre-de Bailleul), près de Vernon (Eure), en Normandie.


Rétrospective Tal-Coat : une peinture en marche


Toute vie est un parcours dont les étapes s'estompent dans la mémoire et échappent, le plus souvent, même à la réminiscence. Nous sommes ce que nous sommes à un moment de notre vie, sans pouvoir définir ce qui, dans la suite de nos impressions, de nos actes, de nos réactions, a été prépondérant ou sans écho. De ce que nous retenons comme moments incontournables qui expliquent notre course, combien nous ont échappé qui ont pesé très forte ment dans notre évolution? La conscience de cette évolution est pourtant au cœur du regard que nous portons sur le monde. Il est des situations qui en avivent la vision. Celui qui croit qu'il n'a jamais évolué, ou bien se trompe, ou bien s'est pétrifié dans un renoncement à la vie. Les deux attitudes se retrouvent dans l'œuvre d'un artiste avec toute la palette des nuances, la gradation des ruptures et des accomplissements qui jonchent sa quête. De l'authenticité de cette quête, la peinture, dans une rétrospective, prend parfois les allures d'une exemplaire mise en acte. 


Telle est celle de l'œuvre de Pierre Tal-Coat. Une centaine de peintures, mais aussi un grand nombre de dessins racontent le parcours de soixante années d'une surprenante aventure picturale, peut-être l'une des plus révélatrices de l'art du XXe siècle. Il n'est que de regarder, au sein même de cette rétrospective, la série des autoportraits de 1927 à 1985, année de la mort de Tal-Coat, pour être capté graduellement par ces quarante-trois figures qui ne décrivent pas l'image du peintre mais celle de sa peinture. Quarante-trois figures de l'acte de peindre. A l'image de tout l'œuvre, cet accent mis sur les autoportraits est peut-être emblématique du cheminement essentiel d'un artiste qui n'a jamais fait de concessions, ni aux sollicitations des acteurs du marché de l'art, ni aux incompréhensions et aux déroutes de ceux qui aimaient son œuvre quand celle-ci prenait un accent surprenant - dans sa radicalité -.


Il n'est jamais possible de "parler" de peinture. L'œil invente son langage propre. Mais il est sans doute encore plus accablant de parler à propos de ce que montre une rétrospective de l'œuvre de Tal-Coat. C'est une histoire de peinture en marche. Un peu comme une course à tra vers les bois, les collines, les landes, les champs, dans la solitude du marcheur, dans la scansion du souffle et la matrice intérieure des impressions qui décline un monde alors irréductible à toute représentation figée parce qu'en marche. L'image n'est pas fortuite, elle est au cœur du travail de Tal-Coat qui, toute sa vie, avant qu'une artérite au pied ne l'en empêche, accomplissait en pleine nature vingt à vingt-cinq kilo mètres de marche journalière. De ces courses naissaient de la matière même du monde des surgissements. Tal-Coat marchait avec un crayon. Il créait en marchant ou mémorisait. On peut mettre en parallèle à ce continuel appel de la marche, du mouvement, cette déclaration qu'il fit en 1982 à Jean-Pascal Léger :


"Je travaille toujours très vite, très vite et très longtemps. La rapidité et la fulgurance impliquent une remise en question constante et pour cela bien sûr un nombre de tableaux. Il y a quand même une logique puisque le tableau doit donner une impression de surgissement. Ce surgissement implique des profondeurs, des effacements. Ne peut surgir que ce qui fut effacé. On ne peut surgir de nulle part."


Tal-Coat peignait donc beaucoup et laissait ses toiles "en attente d'achèvement", au gré des lumières changeantes de l'atelier et des saisons. Au fond, une toile n'était jamais achevée, ou rarement, dans un moment de grâce. D'où sa difficulté parfois à laisser partir ses œuvres dans une exposition. Et comme l'homme était tout le contraire de la vanité, on comprendra mieux que ses rap ports avec les galeristes, même amis, ne furent pas sans certaines rugosités. Si la célébrité finit d'ailleurs par le re joindre, elle ne fut jamais exempte d'une certaine incompréhension, telle celle du Grand Palais en 1976 qui fut "un demi-échec, sans doute en raison d'un accrochage trop personnel, trop audacieux, qui n'a pas été compris du public", écrit Florian Rodari dans l'exceptionnelle biographie qu'il signe dans le catalogue de cette rétrospective.


La dimension incontournable de l'œuvre de Tal-Coat passe par une ascèse et un travail passionné. Toute sa vie il s'astreignit à des exercices de la main, jusqu'à deux heures par jour. Le dessin est la source des jaillissements qui ne recopient pas. Une autre dimension est celle du médium, des liants, des pigments, de toutes les matières qui concourent à la capture de la lumière. Le peintre est aussi un artisan qui retrouve les fascinations du jeune garçon de treize ans qui apprenait le métier de forgeron :


"Il y avait le fer, le feu, mais il y avait aussi une approche du bois parce qu'en même temps j'étais apprenti charron. Les journées se déroulaient toujours devant un grand foyer. C'était une espèce de fête chaque fois..."


Malgré toutes les vicissitudes de l'existence de Tal Coat, et qui ont été très grandes par moments, depuis la mort du père en 1915, sur le front d'Argonne, lorsque l'amour du père chez un enfant de dix ans est volé par la guerre, il n'oubliera jamais cette "espèce de fête" de la vie qu'il cherchera à accomplir dans son œuvre picturale.


On peut, en suivant la sente esquissée par la centaine d'œuvres présentées dans cette exposition, ressentir un dépouillement progressif, "un exercice de dénuement" selon la belle formule de Claude Esteban. Mais de dénue ment n'est visible que par rapport à des anecdotes picturales. Même dans les œuvres de plus en plus radicalement travaillées par une certaine absence de figures, Tal-Coat poursuit une fête de la peinture, dans l'être de son surgissement: "On croit que notre regard va appréhender le monde, non, c'est la visitation du monde, nous sommes visités par le monde, les choses."


Il est clair que ce cheminement n'est pas balisé par la sécurité et l'attente d'un public. L'œuvre de Tal-Coat de mande de la patience et la vertu des attentes. Elle s'est voulue au cœur du monde, petite partie d'un tout, mais trouvant la vibration accordée. Il n'est pas anecdotique que Giacometti et Tal-Coat se soient reconnus dans la même quête dès qu'ils se rencontrèrent. Il n'est pas sur prenant non plus que les poètes se réclament de son œuvre, ainsi que certains philosophes parmi les plus profonds de notre XXe siècle, tel Henri Maldiney qui fut son grand ami. Alain Cuny fut un lecteur assidu des textes de Tal-Coat à la radio et demanda au peintre de réaliser les costumes de son film "L'annonce faite à Marie" de Claudel. Il est des rencontres qui rendent compte d'une "autre scène" où se jouent les magies du réel.


L'expérience de la peinture de Tal-Coat est peut-être de celles qu'il faudrait proposer à la méditation silencieuse de tous ceux qui un jour se sont posé la question: "Qu'est-ce que la peinture?" Tal-Coat ne répond pas pour eux, heureuse ment. Bien mieux, il les livre au questionnement qui est, comme nous l'a dit Martin Heidegger, "la piété de l'Etre".


Peinture difficile, certes ! Comme un longue marche ou une lente ascension vers un sommet. Sans le parcours, l'arrivée n'aurait aucun goût. Difficile de vivre cette expérience quand nous utilisons des remontées mécaniques. Mais qu'en est il, sinon, de vivre ?


A. Calonne


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