> LEGER Fernand (1881-1955) (d’après)

LEGER Fernand (1881-1955) (d’après)

Biographie


Fernand Léger est né le 4 février 1881, à Argentan (Orne) et mort le 17 août 1955, à Gif-sur-Yvette (Essonne).Peintre français, il est aussi créateur de cartons de tapisseries et de vitraux, décorateur, céramiste, sculpteur, dessinateur, illustrateur. Il a été l’un des premiers à exposer publiquement des travaux d’orientation cubiste, même si on a parfois qualifié son style de « tubiste ». Ses origines normandes, son aspect de « brute au physique désavantageux » qu’il attribue à un père éleveur et son franc-parler ont souvent fait passer Fernand Léger pour le « paysan de l’avant-garde ». À dix-neuf ans, il découvre le Paris de 1900. Léger n’y accomplira jamais la formation d’architecte qu’il est venu y poursuivre. Lentement, s’imprégnant patiemment du mouvement dynamique de la ville, il troquera son tire-ligne pour les pinceaux: l’assurance d’un métier stable contre la promesse d’une liberté périlleuse. Dès 1903, Léger partage un atelier avec le peintre André Mare. Après son échec aux Beaux-Arts, il s’exerce dans diverses académies. Daniel-Henry Kahnweiler, qui deviendra son marchand, se souvient ainsi de Léger allant dessiner le nu presque tous les soirs à l’académie de la Grande Chaumière. Il reste difficile de savoir à quoi ressemblaient ces dessins. Léger dit effectivement avoir détruit entre 1902 et 1908 une grande partie de ses travaux au fur et à mesure de leur production. Peut-être contenaient-ils encore quelques traces du sentimentalisme du Jardin de ma mère, peint en 1905, ou de ces Gamins au soleil (1907) que Guillaume Apollinaire qualifia de « baignades du soir postimpressionnistes ». Sans interprétation abusive, on peut assimiler la destruction de ces dessins à un acte proprement artistique: en s’attaquant à ses tentatives désuètes, Léger brutalisait déjà la tradition.



Rétrospective Fernand Léger 


Vers la fin des années vingt, en 1928, Fernand Léger déclara dans une conférence qu'il prononça à Berlin sur Le Corbusier : "Lorsque cette civilisation sera parvenue à sa plénitude, à son équilibre, on pourra discerner, j'espère, l'avènement d'une religion nouvelle celle du culte du beau dans lequel nous vivons et que nous créons. Un idéalisme concret, objectif qui remplacera avantageusement les vieilles religions dont le but a toujours été d'endormir le monde dans l'opium d'une vie future et décevante qui reste à prouver. Nous allons vivre désormais dans la lumière, la clarté, la nudité. C'est là que réside une source de joie entièrement nouvelle qui est notre avenir".


On pourrait citer bien d'autres déclarations de Fernand Léger, tout au long de sa vie, qui révèlent la même foi dans le progrès, le monde moderne et technologique, la machine. Léger se voulait avant tout un peintre inscrit au cœur de son époque et il désirait que l'artiste contribue par son travail, comme celui d'un autre travailleur, à l'avènement d'un autre monde. Quel autre monde ? On peut penser que son adhésion au Parti communiste, en 1945, fut l'aboutissement d'un itinéraire logique. Il avait soixante-quatre ans et la plus grande partie de son œuvre derrière lui. Il est légitime de penser que cette adhésion correspondait à sa vision d'un autre monde et à ses espérances.


Mais le monde de Léger est dans son œuvre et celui ci se développe comme un manifeste. Manifeste plastique qui n'a d'ailleurs jamais rien eu à voir avec un réalisme socialiste la précision n'est pas superflue. Le projet de Léger , d'un certain point de vue, est beaucoup plus radical. Il cherche des images qui s'accordent à la société dans laquelle il vit et ce sont celles de la machine, de l'objet manufacturé et industriel. Au contraire des artistes qui, au début du siècle, vont chercher à combattre le monde technique, Léger, lui, va en glorifier les formes, comme les futuristes ou les constructivistes. 


Ce sera ce qu'il nomme lui-même sa "période mécanique". Léger décline la beauté des pièces mécaniques: formes cylindriques, tubes, troncs de cône... qui glorifient les lois de la géométrie. "L'homme moderne vit de plus en plus dans un ordre géométrique prépondérant". Toute cette période est illustrée par des œuvres comme "Les Acrobates" (1918), "Les Disques" (1918), "Le Marinier", les "Eléments mécaniques" (1920) ou "Nature morte" (1920).


"Mon but est d'essayer d'imposer ceci : qu'il n'y a pas de Beau catalogué, hiérarchisé; que c'est l'erreur la plus lourde qui soit. Le Beau est partout, dans l'ordre de vos casseroles, sur le mur blanc de votre cuisine, plus peut-être que dans votre salon XVIII siècle ou dans les musées officiels. J'aurai donc à causer d'un ordre architectural nouveau : l'architecture de la mécanique".


Léger est un homme de conviction qui passe à l'acte. Ce qu'il défend dans son œuvre est ce qu'il croit pour la société. Cet intense manifeste moderniste à la gloire des machines, pour lequel Léger produit énormément, en gendre un certain essoufflement. Il dit lui-même qu'il eut "besoin de repos, de souffler un peu". Apparaissent alors les œuvres avec lesquelles l'homme semble devenir le thème principal au détriment de l'objet. "Trois femmes sur fond rouge" (1927), "Les Musiciens" (1925) "La Lecture" (1924). Les personnages sont monumentaux, statiques et présentent le même visage masculin ou féminin, défini une fois pour toutes. Pour Léger, la figure humaine et le corps sont à traiter comme des objets. Toute sentimentalité, toute affectivité, tout exercice de mémoire ou tout souvenir personnel sont exclus de la préoccupation de l'artiste moderne.


"Il a fallu pour y voir clair que l'artiste moderne se détache de cette entreprise sentimentale. Nous avons franchi cet obstacle : l'objet a remplacé le sujet, l'art abs trait est venu comme une libération totale, et on a pu alors considérer la figure humaine non comme une valeur senti mentale, mais uniquement comme une valeur plastique".


On ne peut pas reprocher à Léger le manque de clarté dans ses intentions, lesquelles sont appliquées directe ment dans ses œuvres, avec la plus précise et efficace recherche formelle.


"C'est l'esprit logique qui devra obtenir le plus grand résultat et j'entends par logique un art, celui qui a la possibilité d'ordonner sa sensibilité. Savoir donner à la concentration des moyens un maximum d'effet dans le résultat".


Pour ce faire, Léger recourt, outre à la géométrisation de sa "période des machines", à l'idée qui ne le quittera jamais du "contraste des formes". Sa recherche tend à produire le maximum d'intensité par "l'application impitoyable des contrastes les plus absolus: des éléments plats en couleurs pures, des éléments modelés en grisaille, des objets réalistes". De nombreuses œuvres du type nature morte illustrent ces propos : "Le mouvement à billes", "Le Profil", "Nature morte au masque de plâtre", "Composition à la main et aux chapeaux", "Nature morte à la clef"... L'emblème en est sans doute. "La Joconde au clefs" de 1930.


Cette recherche du maximum d'intensité est un refus du mélodieux. Dans le commentaire qu'il fait de son œuvre "L'Acrobate et sa partenaire", il dit explicitement: "Plus il y a de contrastes dans un tableau, plus la peinture est forte. Moins il y en a, plus elle est mélodieuse : je suis antimélodieux". Le résultat le plus immédiat est un effet d'affiche. Il est clair que certaines œuvres de Léger se "lisent" de loin, elles accrochent l'œil et délivrent immédiatement ce qu'elles ont à déclarer. Léger voulait que ses œuvres parlent même aux plus démunis de tout itinéraire culturel, aux plus humbles. Il exposa un jour dans la cantine des usines Renault. Il s'agissait de sa série sur les "Constructeurs" (1950). Il se rendit compte alors que les ouvriers ne "comprenaient rien" à ses toiles. Au bout de quelques jours, ils venaient à la cantine sans plus se préoccuper des tableaux, sauf un qui lui dit : "Vous allez voir, ils vont s'apercevoir, mes copains, quand on aura enlevé vos toiles, quand ils auront le mur tout nu devant, ils vont s'apercevoir ce que c'est que vos couleurs...". L'anecdote est rapportée par Léger lui-même. Pourtant, les "Constructeurs" fonctionnent sur un effet d'affiche aux couleurs primaires : bleu, jaune, rouge, blanc, noir et gris. Il est tout aussi vrai que c'est l'une des seules œuvres de Léger qui évoquent le monde des hommes au travail. Cela suffit-il pour rapprocher l'artiste moderne du monde des travailleurs comme le rêvait Léger?


Mais l'image de Fernand Léger la plus inscrite dans la mémoire collective est sans doute celle qui s'attache aux œuvres qui glorifient les loisirs dont "Acrobates et musiciens" (1945), "La Grande Parade" (1954), "Les Deux Cyclistes" (1951), 1'"Hommage à Louis David" (Les Loisirs) (1948), les "Trois Musiciens" (1944), qui sont des illustrations exemplaires. Le rêve d'une société selon les vœux de l'artiste s'y inscrit avec les mêmes procédés efficaces couleurs vives, visages indifférenciés mais heureux, figures pratiquant la bicyclette, la musique et les balades à la campagne.


Cinquante années plus tard, le "bonheur" que ces œuvres proposent s'est pétrifié dans des lendemains qui n'ont jamais chanté que sur les tracts de la propagande. Il est certain que Léger créait des images conformes à ses idéaux et qu'il croyait que le monde moderne et tech nique pouvait libérer l'homme. Le libérer de quoi, là est tout le problème. Les personnages "heureux" de Léger semblent absents à eux-mêmes, anonymes et comme stéréotypés. Ce type de bonheur fait froid dans le dos ! Celui dans lequel nous baignons est envahi par des images publicitaires, qui ont presque remplacé tout art accessible au plus grand nombre, comme le voulait Léger. C'est l'empire du mauvais goût. Mais n'est-ce pas la conséquence "logique" de la marche du monde moderne et technique dans lequel Léger mettait tous ses espoirs ? A force de rechercher l'efficacité en tout, même dans les couleurs et les formes, on finit par oublier l'essentiel : l'art n'est pas rationnel, il n'est pas de l'ordre de l'objet et ne s'adresse qu'à un sujet. Et c'est bien lui, justement, que le monde moderne s'évertue à nier en lui substituant un consommateur stéréotype, livré à l'efficacité des images publicitaires. Quelle différence alors avec d'autres images d'un bonheur stéréotypé ?


A.Calonne

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