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LIVARTOWSKI Daniel personnage d'horreur

AINSI SOIT-IL

97.00 x 130.00 cm

BJ320

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Daniel Livartowski :une certaine idée de la chasse à l'homme

L'homme existe-t-il ? Ou, plus précisément, est-il possible, s'interrogeait Vialatte, qui répondait en fin de compte par la négative. Le thème le hante tout au long de ses chroniques. L'homme serait plutôt conceptuel. Il relève d'une théorie audacieuse mais peu convaincante, acceptée par commodité et paresse, mais constamment démentie par la réalité. Il est l'invention d'un philosophe du XVIIIe siècle, voire d'un paléontologue inspiré. Il est possible sur le papier. Aux yeux de l'observateur - lui-même - il reste un cousin, un rejeton d'une branche latérale, un spécimen partout décrit, nulle part rencontré. Une sorte de Yéti. En bref, il n'y a pas d'homme : tout au plus il y a des hommes. Et s'il existe - ce qui reste à prouver - il n'a rien d'humain. Ceci est un secret de Polichinelle porté jusqu'à nous par le cortège des générations, mais un secret propre à nous effrayer car sans cesse confirmé par les faits.

Daniel Livartowski s'est emparé de cette idée d'Homme, trouvant là le matériau abondant, interchangeable et de coût modique pour alimenter sa réflexion, un objet idéal pour ses recherches. (Le terrain d'observation, c'est l'endroit où l'on se trouve ; quant à l'équipement indispensable il est des plus succincts et des meilleurs marchés, car généralement une bonne paire d'yeux suffit). Il a entrepris la traque d'un souffle d'âme, une âme atrophiée - je n'ose pas dire absente - noyée dans la matière triomphante. A travers la pâte anonyme des visages cette absence d'humanité nous frappe, comme un cauchemar qui nous harcèle. Livartowski nous glisse sous le yeux un album de photos de famille, la galerie consacrée aux portraits des ancêtres et des proches : tous les visages nous y sont familiers, sans que l'on puisse savoir précisément en quoi ni parvenir à les reconnaître, à les identifier avec certitude. Est-ce l'oncle Léon ou le chef de bureau ? La cousine Zénaïde, ou la voisine de palier flanquée de sa piaillante marmaille ? Chacun sait qu'un face-à-face entre l'homme et l’oeuvre est plus révélateur de l’homme que  de l’oeuvre. Avec un sentiment de malaise (habilement déguisé par un ricanement ou un propos acide) nous y retrouvons, en une fugitive perception, nos propres traits, révélés sans aucune confusion possible,  conformément à la sagesse populaire qui affirme que "seule la vérité blesse”.

Si cruauté il y a, elle n'est pas le fait de l'artiste qui propose son interprétation. Il rend compte du chef-d’oeuvre de la Création avec clairvoyance et délectation. Evoquant, sauf trahison de ma mémoire, son ami Dubuffet, Vialatte (encore lui ? Mais est-ce un hasard ?) cite "le miroir qui fait ressemblant", c'est-à-dire sans merci : sa force réside dans l'exagération ; il déforme le sujet pour faire encore plus vrai.Désormais on dira l'Homme de Livartowski, comme il existe incontestablement celui de Chaval et de Néanderthal. 

Sa souriante bonhomie nous inquiète et rend vacillantes nos certitudes. Sa masse est sa fragile gloire, sa conquête sur le vide cosmique, sur le souffle du temps qui le balaye : imposante mais toujours prête à se dissoudre. Pour les Cathares la matière était une manifestation du néant : comme dans le jeu des lois physiques la force d'attraction de celui-ci était à proportion de celle-là. La présence dénonce cruellement l'absence. S'étant exclu de la Création par vanité, l'être humain la rejoint à son insu : retour chaotique à l'animalité (mais observez donc vos voisins), instinct grégaire, lutte sourde pour la prolifération de l'espèce. Il resplendit au coeur de sa condition inhumaine. N'était-ce cette envie de l'étrangler, on l'envierait presque.

Livartowski, comme Vialatte, d'ailleurs, sous couleurs de vanter les ostensibles bienfaits de notre civilisation, en dénonce naturellement le caractère aliénant et dérisoire. J'aimerais affirmer cela sans nuances, si son art s'accommodait de tant d'agressivité. Non : il ressemble à un entomologiste penché sur une fourmilière. A un savant observant dans (ou de) son laboratoire les multiples avatars de cette espèce dite humaine, avec une indulgence qu'il s'efforce de dissimuler comme une faiblesse envers ses semblables, donc envers lui-même. Le spécimen le laisse perplexe, car finalement il n'est pas aussi insaisissable qu'on le prétend. L'homme naît, se reproduit et meurt. Il existe une telle distorsion dans l'ordre de grandeur de ces événements - ou non-événements, c'est selon - , les uns bruyamment fêtés, l'autre passé sous qui lui revenait. silence, que chaque chose a fini par perdre sa place. Celle qui lui revenait. 

Daniel Livartowski s'amuse de l'équilibre de la plus vieille représentation qui soit. Des regards sur la crucifixion jalonnent son itinéraire - son propre “chemin de croix" ? Tentative de rédemption par un retour à l'innocence de la chair martyrisée ? Sommes-nous animés de quelque obscur désir de sacrifice ? Nous oscillons toujours au seuil de la violence... Les bienheureux de l'artiste, regard vide, extatique, n'aspirent pas à la béatification. L' "attraction céleste” les appelle à un possible mais dérisoire élan, alors que partout dans cette vie de souffrance se voit dévaluée, bafouée, bannie du champ de conscience, comme ces croix muettes qui se dressent pour une poignée de spectateurs indifférents - à peine curieux. L'espace qui les auréole est sombre mais palpitant comme les étoiles : toile de fond chatoyante pour icônes peu orthodoxes, vertige de l'inintelligible... On s'étonne de scruter ces profondeurs béantes où s'ébauche une question que l'on s'obstine vainement à formuler. L'homme prend les cieux à témoin, s'arrache à la masse obscure, peut-être, mais il définit ainsi ses limites.

Est-ce une chose si sérieuse que de vivre ? Le tragique selon Daniel Livartowski c'est l'absence de tragédie. Cette absence qui grignote nos heures, qui æuvre à notre fin, n'est autre que le visage quotidien de l'enfer. On s'en console par le gavage (à l'instar des oies : c'est tout un symbole...), entre la télévision, le labyrinthe implacable de l'hypermarché, la molécule-miracle qui s'avale, se fume ou s'injecte et apaise notre angoisse en une douce apathie, et autres formes de lobotomie. Accompagnons Livartowski dans son parcours. Avec lui, cherchons l'Homme. On nous attribue le babouin et le coelacanthe pour ancêtres : c'étaient d'excellentes excuses à nos criantes imperfections de race en devenir. A nos difformités du dehors et du dedans. Ce n'est pas vrai, s'écrie le peintre. La vérité est pire, ou pour le moins inattendue, et je l'ai découverte : l'homme descend de l'homme.

Nous en avions le vague pressentiment, en voici à présent les preuves : il suffit de regarder. Seulement qui sait si, dans l'accablement de cette foudroyante révélation, un espoir de salut, même illusoire, nous sera encore permis ?

Rafaele Decarpigny

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