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Auguste Herbin : créateur d'un alphabet plastique

Auguste Herbin : créateur d'un alphabet plastique

Après le musée de Céret, le musée Matisse reçoit la rétrospective organisée par les deux musées, d'un artiste dont l'univers est celui d'une dialectique du signe pictural, d'un aller-retour incessant entre peinture et sculpture.

L'exposition propose un parcours dans cette œuvre hors du commun à travers les grandes aven tures picturales de la première moitié du siècle, de puis les débuts postimpressionnistes jusqu'à l'accomplissement de la couleur maîtrisée des œuvres de l'abstraction géométrique qu'Herbin crée après la Seconde Guerre mondiale.

Après avoir passé sa jeunesse au Cateau Cambrésis qui vit aussi naître Matisse, le jeune Herbin s'inscrit à l'école des Beaux-arts de Lille en 1901 dans la classe de Pharaon de Winter. Ses premières toiles sont toutes imprégnées des techniques postimpressionnistes. L'art minutieusement rendu et coloré des ciels et de l'eau semble provenir directe ment de la Renaissance flamande. L'artiste aurait pu s'en tenir là. Mais la force créatrice qui l'anime ne pouvait se contenter d'un parcours impressionniste bon teint. Dés 1905, le pinceau chargé de couleurs flamboyantes dessine directement sur la toile. La touche s'élargit sous l'influence de Van Gogh ou de Cézanne.

De son séjour en Corse en 1907, l'artiste rapporte des toiles proches des œuvres des impressionnistes allemands mais occultant leur dimension dramatique.

Prenant activement part aux recherches cubistes tout en conservant sa profonde originalité, Herbin cerne les formes, d'un dessin beaucoup plus précis et géométrique qui soumet la couleur au contour. Il conserve la violence et l'audace de la couleur vive, à la différence de ses voisins du Bateau-Lavoir, Picasso et Gris.

Le sujet demeure très lisible car il ne décompose pas les formes que l'artiste aplatit, géométrise et simplifie.

L'Armory Show de New York le consacre en 1913 au même titre que Braque et Gleizes. 

Cette même année verra la construction d'œuvres majeures dans un registre de formes géométriques ri goureuses traitées avec des aplats de couleurs contrastées alternativement froides et chaudes.

Comme tous les artistes de sa génération ayant vécu l'expérience du Cubisme, Herbin cherche à en renouveler le vocabulaire, mais aussi à tendre vers un art qui soit l'expression des valeurs collectives de la modernité et qui permette une nouvelle utopie sociale. Cette conviction que l'art doit avoir une dimension sociale et non rester le privilège de quelques initiés l'incitera à s'engager politique ment auprès du Parti communiste en 1920. Désormais l'art doit être monumental et total, unir peinture et architecture, monument et décoration, objet et sculpture. L'expression la plus aboutie de cet art sera sans doute celle des bois sculptés et peints réalisés en 1921, ainsi que le piano peint et sculpté en 1925 pour un ami strasbourgeois. Sans rien détruire comme son contemporain Arman, Herbin reconstruit le piano devenu sculpto-peinture objet et tente ainsi de marier la musique aux arts plastiques.

A partir de 1926 et durant les années 30, surmontant l'incompréhension du public et de la presse, Herbin construit son œuvre, définitivement abstraite, sur la courbe, un rythme qu'il avait déjà privilégié et qui exprime le mouvement vital ou cosmique. Il peint des formes nettes et précises avec des aplats lisses. Une épaisse ligne noire, comme un immense flux vital envahit la toile dans une écriture souple et libre. Puis la palette devient plus vive et les volutes sont confrontées à des cercles, des carrés et surtout des triangles.

Avec Arp, Kupka, Hélion, Van Doesburg, Herbin fonde le mouvement Abstraction-Création en faveur d'un art humaniste qui exprime la libération sensible, morale et intellectuelle de l'individu créateur.

Les années 40 et 50 verront le développement majeur de son œuvre et de son achèvement. 

Imprégné de la lecture de Goethe et de Rudolf Steiner, Herbin cherche les grandes lois qui peuvent régir sa création et invente un "alphabet plastique" établissant des correspondances ésotériques entre lettre, forme, couleur et son. La lettre M correspond ainsi au jaune de baryte, à la forme triangulaire et à la sonorité "mi".

Ce langage plastique avec sa syntaxe de formes et son vocabulaire coloré et musical n'a d'autre référent que lui-même. L'artiste interdisait d'ailleurs formellement à quiconque de confronter des mots extérieurs à son propre vocabulaire plastique. Ce qui ex plique sans doute l'étrange silence relatif qui plane encore sur l'œuvre plastique, théorique et l'homme lui-même.

Les dernières œuvres d'Herbin font triompher la couleur posée en aplat lisse et sans modulation dans des formes que l'artiste veut épurées à l'extrême, sans lyrisme ni anecdotes d'aucune sorte.

L'art d'Herbin atteint l'universel, celui du langage des formes et de la musique, un art de liberté qui aura une influence sans précédent sur les artistes cinétiques de l'après-guerre ainsi que tous ceux qui effectueront des recherches sur la couleur et l'abstraction géométrique.

Encore méconnue du public, l'œuvre d'Herbin mérite qu'on s'y attarde, ne serait-ce que le temps d'une visite au musée.

T.Demaubus


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