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Les Dubuffet de Dubuffet

Les Dubuffet de Dubuffet

Peintre, sculpteur, écrivain, homme de théâtre, musicien, Jean Dubuffet (1901 1985) fut un touche à tout de génie. Inventeur et théoricien lumineux de l'Art Brut, adversaire farouche des conventions, son œuvre a su imposer au regard plus qu'une simple expérience, une véritable initiation aux tech niques picturales et aux matériaux.

Issu d'une famille de négociants en vin, le jeune Dubuffet se passionne pour le dessin et s'inscrit dès l'âge de quinze ans à l'école des Beaux-arts du Havre. Un bref passage à l'académie Julian le persuade de travailler seul, à l'écart des institutions culturelles.

Doutant de sa vocation, il abandonne durant huit ans toute activité artistique pour se consacrer essentiellement à l'affaire familiale de négoce. Il ne par viendra à une expression picturale inédite qu'à partir de 1937, où il décide de se consacrer entièrement à la peinture.

Ses dessins, portraits et études relèvent déjà un graphisme incisif et un sens aigu du caractère que voile une simplicité des apparences parfois déroutante pour le spectateur.

Dès sa première exposition, en 1944, Dubuffet renouvelle le vocabulaire figuratif de l'époque, grâce au regard naïf qu'il porte sur le spectacle de la vie. Celui qui "n'attribue de mérite qu'à l'invention" cherche à retrouver cette enfance de l'art coupée des origines et de tout contexte culturel. Les toiles sont peintes dans une gamme brune, terreuse, à l'exception de celles qu'il exécute au Sahara entre 1947 et 1949, aux coloris plus agressifs.

Sa production exceptionnellement féconde s'ordonne en cycles successifs dont chacun développe une sensibilité particulière : les "Portraits" (1947) et "Corps de dames" (1950-51) proposent une représentation outrancière de la figure humaine, à la présence souvent envoûtante.

La réalité que nous livre le peintre des "sols et terrains" ou des "Pâtes battues" incisées de figures est sans doute plus élémentaire et plus brute que celle des peintres du quattrocento.

Ses étranges paysages du "mental" ou "texturologies", pures, monochromes, et denses, où se figent des signes rudimentaires d'une saturante proximité avec la matière, opèrent une véritable "célébration" de ces matières fossilisées.

Après des recherches lithographiques et des dessins à l'encre de Chine, Dubuffet présente son "art brut" en diverses expositions. Ce sont les signes révélateurs de son originalité avec le dessin d'enfant, le griffonage burlesque, le graffiti anonyme, hommage pictural à cet "état sauvage" du regard défini par Breton.

A partir de 1962, le graphisme de Dubuffet s'oriente vers une mise en forme plus rationnelle, une imagerie complexe, puzzle bariolé de rouge, de bleu et de noir où s'inscrivent des motifs familiers, définissant le cycle de l'Hourloupe. Au spectateur de se frayer un chemin dans un labyrinthe de formes et de lignes aux couleurs restreintes, se détachant sur un fond noir ou blanc.

L'œuvre sculptée viendra prolonger l'expression fantasque de ce puzzle-labyrinthe si caractéristique de la démarche artistique du peintre.

A travers ces figures, paysages inédits, Dubuffet nous donne à voir un monde où régneraient "des rai sons tout-à-fait autres que celles à la lumière des quelles nous sommes habitués à les voir. Par là, par le moyen d'y voir nos objets familiers tout-à-coup si transformés et étranges, est obtenue une évocation, peut-être parfois assez forte et saisissante, de mondes étranges, dépaysants, exerçant une espèce de fascination."

Dans une lettre à Renato Barilli, Dubuffet reconnaît que sa position aurait pu l'entraîner "jusqu'à découper quelque plaque de la chaussée et la fixer au mur entourée d'un cadre". Evoluant vers un art conceptuel, l'artiste n'est heureusement jamais tombé dans le piège de la facilité ni de la complaisance. Sa verve picturale et son sens aigu du dessin ainsi que le recours à une expression primitive, parfaitement maîtrisée font de son œuvre l'une des plus ambitieuses et les plus abouties de ce siècle.

"L'artiste est un inventeur qui doit opérer hors les sentiers battus, loin des modèles, dans la plus grande liberté." "Le vrai art, il est toujours là où on ne l'attend pas. Là où personne ne pense à lui ni ne prononce son nom...

L'art est un personnage passionnément épris d'incognito... Où les idées s'en mêlent, c'est de l'art oxydé..."

Eloge de l'invention et de l'opération artistique pure, l'Art Brut en fut sans doute le meilleur antidote. Un antidote à l'aversion du peintre pour "ces morgues d'embaumement, ces citadelles de la culture mandarine que sont les musées."

"La Culture est affaire d'Etat au lieu que la création d'art est par essence individualiste et subversive...

La création d'art sera toujours antagoniste à la culture, et plus celle-ci sera fortifiée, célébrée, portée au plan de la religion d'Etat avec saints, prophètes et évêques, plus la vraie création d'art disparaîtra." Saint-César, Saint-Buren, Saint-Peï,...

Quant aux morgues d'embaumement qu'évoque l'artiste, la liste actuelle serait hélas trop longue à citer !

T. Demaubus


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