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Un nouveau regard sur Maurice Denis

Un nouveau regard sur Maurice Denis

Le musée Rolin à Autun (71400) eut l'agréable surprise en 1948 d'être le bénéficiaire de la collection d'Eugène Chevalier, natif de la ville et surtout grand ami de Maurice Denis. Parmi les quelque huit cents pièces de cette collection figurait un important don de cinquante-quatre œuvres de Maurice Denis. Inconnues avant l'exposition que le musée d'Autun leur consacra cette année, elles ont donné lieu à un beau livre édité par Adam Biro : "Un nouveau regard sur Maurice Denis". Tous les passionnés de l'œuvre du peintre découvriront toute une série de petits formats qui déclinent le parcours de Maurice Denis d'une manière intime et intense. Car Eugène Chevalier avait sans nul doute une prédilection pour les petits formats et en passait commande à son ami. Il était aussi grand collectionneur de cadres anciens, et souvent ache tait l'écrin avant la peinture qu'il lui destinait! De fait, pour mieux dire, il affectionnait une unité entre le cadre et l'œuvre . Chevalier montrait ses trou vailles à Denis qui partageait l'enthousiasme de son ami, comme nous le conte Brigitte Maurice-Chabard: "Il lui ouvrait largement ses cartons à dessins et Chevalier choisissait la peinture adéquate. Il n'emportait certainement pas cette dernière sans l'entière approbation de l'artiste : le soin dont il a usé à annoter scrupuleusement chaque œuvre prouve qu'il questionnait Maurice Denis et qu'il relevait avec zèle ses informations".

Et ces annotations écrites au fur et à mesure des acquisitions nous valent une moisson d'informations de première main. Déjà, la magnifique exposition que nous avait offerte le musée des Beaux-Arts de Lyon en 1994 nous avait révélé tout un aspect de l'œuvre de Denis complètement inconnu. Tel "Audi Filia" (1890) ou un portrait de l'artiste sous les arbres de 1891, entre autres.

Ce nouveau regard sur Maurice Denis nous apporte aussi une moisson resplendissante de fraîcheur et d'authenticité qui ravira et comblera les admirateurs du "Nabi aux belles icônes", comme le nommaient ses amis du groupe.

Une autre grâce de ce livre est la qualité des reproductions dont le format est proche ou identique à celui des œuvres. Magie supplémentaire des petites dimensions qui s'accordent si bien à l'intimité du regard et du lieu. Les petits formats ont souvent été des tableaux votifs sou tenant la méditation religieuse. Il n'est pas anodin de les voir ainsi privilégiés par Maurice Denis, lui qui excellait dans l'art accordé à un lieu, fût-il une église, un édifice ou une chambre. Une grande œuvre se doit d'être regardée de plus loin. Un vitrail est fait pour honorer la lumière changeante du jour à l'intérieur d'un édifice. Un petit tableau accomplit son office au cœur d'un espace intime. La peinture n'est elle-même que dans la célébration, que ce soit aux sources du Mystère de la Passion, des mer veilles de la Création ou du corps de la Femme, qui est une de ses plus belles icônes. Car religieux chez Denis ne rime pas avec pieux dans un sens rétréci par une foi aseptisée. Denis essaya avec Georges Desvallière de renouveler la peinture religieuse. Ils créèrent en 1919 les Ateliers de l'art sacré. Cette société anonyme avait pour but de former des artistes catholiques et de fournir des œuvres religieuses aux fidèles qui soient des œuvres d'art. Et non des clichés épuisés !

On retrouvera donc dans la collection Chevalier de magnifiques sujets chrétiens. Telle une magnifique Pieta de 1925, huile sur carton de 31,5 cm sur 24,5 cm. La palette est une peu la même que celle de l'"Autoportrait au Christ jaune" de Gauguin. L'opposition entre les croix ressortant sur un ciel jaune ocre et la pâleur livide et verdâtre du Christ dont la tête repose sur l'épaule de sa Mère, habillée en sombre et dont le visage est illuminé par le blanc de sa guimpe, fait de ce petit tableau un manifeste de la peinture moderne au service de l'art religieux. Il n'a bien sûr pas été peint dans cette intention! Mais chez Denis tout est prétexte à célébrer et à s'émouvoir. Ce sont les deux vrais axes du religieux. La collection Chevalier est, à ce titre, comme un concentré de l'œuvre que l'ami collectionneur avait peu à peu cueilli chez son ami peintre ! Et la vision du livre qui lui est consacré agit un peu de la même manière. Comme une sorte de série d'images que l'on garde à son chevet pour enchanter les heures, trouver matière à jubilation et chasser le vide des idées répétitives du jour. Une sorte de viatique !

Peintures de célébration et célébration de la peinture. On se plaît à penser à Eugène Chevalier passant des heures à bavarder avec Denis. Celui ci savait quand il le voyait arriver que l'après-midi était perdu pour la peinture Mais pas pour l'amitié, ni au final, pour la peinture non plus ! Car l'ami n'achetait pas pour revendre mais pour conserver, admirer et témoigner. Et c'est nous qui sommes comblés car l'amateur fit don de sa collection au musée Rolin. Ce regard n'existe que dans la concentration d'une collection non éparpillée. Elle y trouve une unité qui en accroît la charge émotionnelle. Répétons qu'on y trouve tout Maurice Denis, mais comme focalisé par l'admiration d'un amateur vrai. Et nous devenons cet amateur en feuilletant les pures merveilles reproduites dans le livre! Toute l'émotion que Gauguin suscita chez les Nabis autour de Sérusier se retrouve sur cette huile sur car ton intitulée "Au jardin" par Chevalier. Le cerné, le cloisonnement si cher au maître de Pont-Aven simplifient les formes et accentuent l'émotion picturale centrée autour d'une enfant tout en bleu entre deux personnages féminins qui peuvent être la mère et la sœur, elle-même coiffée d'un bonnet du même bleu. Le bleu et les variations du violet et le mauve que Denis affectionnait tant se retrouvent sur cet te magnifique petite œuvre sur carton, de 24 par 14 cm, qui est, nous dit la note de Chevalier, une étude pour la Légende de saint Hubert. Elle est intitulée "Bouleaux, sur fond de ciel bleu". Le titre importe peu. La peinture nous rend visible l'instant du mystère. Et ce mystère est une célébration de l'émerveillement. De Gauguin à Sérusier, la leçon est comme exhaussée jusqu'à l'innocence retrouvée, un moment, par Maurice Denis qui peindra aussi beaucoup de visages d'enfants. L'un des chapitres de ce livre se nomme, parfaitement, la douceur de l'Arcadie. C'est à elle que ce livre, hommage à un collectionneur, nous convie.

A.Calonne


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