Charles Camoin ou la "sensation de la nature"

Charles Camoin ou la "sensation de la nature"

CHARLES CAMOIN est né le 23 septembre 1879 à Marseille. Elève à l'école des Beaux-Arts de Paris dans l'atelier de Gustave Moreau, il jouit très tôt de deux privilèges : celui de vivre l'histoire des origines et du développe ment de l'art français du XXe siècle mais surtout celui d'avoir rencontré Matisse et Marquet puis- au cours de son service militaire à Aix-en-Provence - Cézanne, avec qui il échangera une longue correspondance.

En 1905, Camoin est l'un des acteurs de la célèbre "Cage aux Fauves" du Salon d'Automne de 1905 avec ses fidèles amis Matisse et Marquet. La critique est sensible à ses tableaux "d'où débordent une vigueur saine et drue, des oppositions hardies et sûres, une franchise nette, un coloris qui ne triche pas".

Pourtant Camoin n'adhéra jamais à aucun mouvement et se méfiait de toutes les théories artistiques.

Profondément marqué par un séjour en Corse à l'été 1906, puis en Espagne l'année suivante, Camoin peint la lumière éclatante de la Méditerranée d'un geste large et nerveux : celle de ces côtes escarpées qui plongent dans l'azur et ses ports, Cassis, Marseille ou Saint-Tropez. Comme ses amis, Camoin rêve d'une peinture pure et se donne tout d'abord à l'amour exclusif de la couleur.

A propos de Matisse, l'artiste confia ainsi à Raymond Escholier: "Mon instinct de coloriste me rapprochait de lui, mais ce qui restait chez moi du domaine de l'instinct devait très vite se développer chez lui en théorie. Théorie d'exaltation qui devint ce que l'on a appelé le fauvisme, et que personnellement, je n'ai jamais suivie systématiquement..."

Dès 1900, les liens étroits qu'il noue avec Cézanne l'éloignent de ces théories d'exaltation et déterminent l'originalité de sa démarche picturale alliant la spontanéité du geste coloré à la rigueur de la conception.

Cézanne préconisait que l'on peignît les lumières avec de la pâte, les ombres ou les contours des formes avec une couleur fluide pour produire un relief mimétique de la réalité. Comme celle de Renoir qui inspira longtemps Camoin, la démarche picturale de Cézanne est à contre-courant de la manière traditionnelle.

Camoin affectionne l'éclairage doux et diffus des portraits de Renoir qui entraîne de forts contrastes de tonalités. Comme Renoir, Camoin simplifie la composition pour mieux exalter le sujet romantique.

Après son mariage avec Charlotte Prost, Camoin partage sa vie entre ses ateliers de Montmartre et de Saint Tropez. La galerie Marcel Bernheim lui consacre plusieurs expositions.

Durant la seconde guerre mondiale, Camoin entretient une abondante correspondance avec Matisse, alors retiré à Cimiez. Il expose avec Jean Puy à Lyon en 1942 et fréquente Bonnard au Cannet.

Colette préface le catalogue de son exposition à la galerie Charpentier en 1945.

A l'écart des modes et des tendances, cet amoureux du motif se consacre à l'observation sensible de la nature, s'inspirant de Cézanne qui travaillait toujours en plein air, sous une lumière très claire rendant les lointains très proches et réduisant le phénomène de perspective aérien ne au minimum. Les tons du paysage sont au maximum de la pureté, et les couleurs des lointains ont presque la même intensité que celle des plans plus rapprochés.

Certaines toiles de Camoin possèdent la qualité décorative des tableaux de Matisse de la période marocaine comme l'illustre la "Fenêtre ouverte" à Cannes (1956, coll. part.). D'autres ont la fraîcheur du pastel et la douceur de l'aquarelle.

En 1962, la ville de Paris accueille Camoin de retour de New York. Une salle entière lui est consacrée au Salon d'Automne.

Camoin meurt trois années plus tard à Paris, laissant derrière lui une ceuvre originale célébrant les lumières de la Méditerranée, la spontanéité du geste et l'extraordinaire expressivité de la couleur. Parcours à travers près de cent tableaux et autant de dessins, la rétrospective Charles Camoin permet de découvrir l'œuvre ardente du "Vaillant Marseillais".

Cette exposition a été conçue et réalisée par le Musée Cantini de Marseille. La dernière rétrospective remontait à 1966, au Musée des Beaux-Arts de Marseille!

T. Demaubus