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Raoul Dufy : champion du mouvement fauve

Raoul Dufy : champion du mouvement fauve

TOUT n'a sans doute pas encore été dit sur l'œuvre de Dufy. Tout n'a pas encore été exploré dans ce corpus riche d'une centaine d'œuvres encore méconnues du grand public. Champion du mouvement fauve, Dufy eut, lui aussi, sa crise cézannienne. Dès 1908, en effet, Dufy se plie à l'école de la sévérité. La rencontre à la Villa Médicis Libre d'Orgeville d'André Lhote et de Jean Marchand le confirme dans ses recherches pour une forme plus écrite, plus construite, plus monumentale, qu'il décline en des tons plus sourds, d'une sonorité étouffée et profonde : les bleus de Prusse, les verts émeraude, les rouges violacés se rencontrent avec des jaunes acides, très particuliers, dans les tableaux qu'il peint entre 1908 et 1919, et particulièrement dans la "Grande Baigneuse" de la collection Roëll-Jus, dont le sujet est à lui seul un aveu de cézannisme.

Ce thème comme d'autres qu'il développe en quelques tableaux, sur des motifs spécifiques - Rue Pavoisées, Barques aux Martigues, vues de l'Estaque vont peu à peu donner naissance à de véritables séries, conçues comme des déclinaisons qui paraissent se développer jusqu'à l'infini.

L'exposition regroupe quinze ensembles thématiques ou séries à part entière comprenant chacun une à douze peintures, rigoureusement sélectionnées, qui permettent d'appréhender concrètement ce "mode de production" tant prisé par l'artiste.

Certaines de ces séries comme les "Rues pavoisées", les "Jardins abandonnés" ou les "Grandes baigneuses" traversent toute l'œuvre de Dufy. Le motif y est imprégné par son évolution picturale. La gravité des premières "Grande baigneuse" disparaît aux profit du triomphe d'une couleur légère, transparente, lumineuse, où les bleus s'illuminent, et celui d'un dessin plus alerte, tout en boucles et en frisures, aux formes, sans pesanteur, d'une exécution dont le brio évoque Fragonard et Tiepolo. 

Les autres séries procèdent d'un mo ment très précis dans la vie de Dufy durant laquelle il invente de toutes pièces la série comme les "Canotiers à Nogent", la "Promenades des Anglais", les "Cargos noirs" ou les "Dépiquages". Dufy y délais se les ordonnances polyphoniques au profit d'une harmonie unique, issue de l'expérimentation des chromatismes jusqu'au tarissement de l'inspiration qui laisse la place au noir dont Dufy exploite audacieusement les possibilités colorées (série des Cargos noirs (1950-53)) ou encore au jaune et au bleu, sa couleur de prédilection.

Il est possible alors d'interpréter l'œuvre de Dufy comme une immense mosaïque de tableaux dépassant par la taille la célèbre "Fée Electricité", formé de l'assemblage de ces tableaux en une longue bande pouvant se lire comme la pellicule d'un film.

Le principe de sérialité peut être interprété comme un nouveau langage artistique proche du langage cinématographique - chaque série pouvant être assimilée à l'idée de séquence et chaque tableau de la série, devenant un plan -. Ce principe introduit une vision moderne de la peinture comme espace de liberté, comme variation sur l'identique, comme élaboration d'un prodigieux décor où tout finit par s'intégrer dans le champ pictural avec un sens raffiné de l'économie et de l'expression par le plastique.

"On remarque même l'utilisation de la technique du "plan-raccord", principalement dans les tableaux de la fin, où d'imperceptibles déplacements du point de vue adopté par l'artiste introduisent progressivement dans l'œuvre de nouveaux éléments du décor qui se trouvaient précédemment "hors-champ". Leur survenue dans le champ du tableau constitue ensuite l'accroche, qui inaugure la suivante".

Cette interprétation du corpus, que forment les quinze ensembles thématiques ou séries à part entière, privilégie sans doute la notion de cohérence visuelle sur l'approche intuitive de l'œuvre de Dufy. Elle a toutefois le mérite de proposer une lecture renouvelée de l'œuvre de l'artiste en offrant au visiteur des clefs pour son interprétation personnelle.

Les œuvres qui constituent ce mode particulier de production sont issues des meilleures collections publiques et privées d'Europe et d'Amérique : le Musée national d'art moderne, le centre Georges-Pompidou y participent avec plus de trente tableaux aux côtés du Metropolitan Museum de New York, de la Phillips Collection de Washington, des musées de Toledo, Phoenix et Toronto.

Une exposition inclassable - ni thématique, ni rétrospective - qui devrait enrichir l'approche souvent trop superficielle de l'œuvre foisonnante et joyeuse de Raoul Dufy,

T. Demaubus


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