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Raoul Dufy ou la sténographie de l'essentiel

Raoul Dufy ou la sténographie de l'essentiel

CÉLÈBRE pour ses aquarelles et ses décors monumentaux, surnommé "le peintre de la joie" Raoul Dufy eut un parcours artistique riche en retournements, de la veine impressionniste à ses débuts jusqu'à sa peinture "unitonale" en passant par la touche fractionnée et le fauvisme, puis le cubisme.

Le musée des Beaux-Arts de Rouen éclaire les différentes étapes de ce parcours étonnant à travers la présentation de quinze peintures, dix dessins et cinq aquarelles issues des collections du musée des Beaux-Arts du Havre,

fermé pour réaménagement jusqu'en 1999. La présentation des œuvres de jeunesse, influencées largement par Eugène Boudin, également originaire du Havre, constitue une véritable révélation de l'affranchissement progressif de Dufy par rapport à sa formation académique.

Les quatre premières aquarelles de l'artiste, datées de 1898 sont ainsi exposées : imprégnées des leçons académiques, elles re présentent des vues de ports et de paysages de la région du Havre ainsi que 1'"Autoportrait au chapeau mou".

Cependant Dufy ne restera pas longtemps fidèle à cette veine impressionniste et prendra très vite conscience des limites d'une description du réel essentiellement visuelle et narrative.

Un séjour à Martigues durant l'été 1904 influence directe ment sa peinture. L'artiste est séduit par la lumière cristalline du Sud de la France, qui va l'at tirer vers le fauvisme. Mais c'est sans aucun doute la révélation du tableau "Luxe, calme et volupté "d'Henri Matisse qui l'incitera à poursuivre résolument dans la voie du fauvisme. Trois tableaux illustrent cette période de travail sur le motif en compagnie de ses amis Marquet et Friesz. Il s'agit des "Gymnastes" de 1905, de la "Sortie des régates au Havre" de 1906 et de "Jeanne dans les fleurs" de 1907.

Dans cette dernière, le souvenir de la "Fenêtre ouverte à Collioure" de Matisse, présentée en 1905 au Salon d'Automne, semble omniprésent.

Afin de faire connaître auprès du public les œuvres représentatives de l'avant-garde européenne, Raoul Dufy fonde avec ses amis Braque et Friesz le Cercle de l'Art moderne.

Le séjour à l'Estaque en 1908 en compagnie de Georges Braque marque le début du cubisme chez Dufy. La palette devient plus sombre et l'artiste renonce peu à peu aux tons éclatants de sa période fauve sous l'influence de Cézanne ainsi que d'André Lothe et de Guillaume Apollinaire, farouches défenseurs du mouvement. Le "Vieux port de Marseille" et "Notre-Dame de la Garde", tous deux peints en 1908, témoignent du cubisme "cézannien" de Dufy ainsi que l'"Entrée du port de Havre" et la "Plage du Havre" datés de 1910.

Toutefois le Cubisme ne laissera pas une empreinte durable chez Dufy - comme chez son ami Braque qui se rapproche de Picasso -.

Le paysage, et notamment celui des bords de Méditerranée, demeure au centre de ses préoccupations de peintre même s'il se sent toujours attaché aux paysages maritimes de sa Normandie natale.

Dufy pratique de plus en plus l'aquarelle et façonne une écriture de plus en plus personnelle, caractérisée par des successions d'arabesques et de tracés légers ainsi qu'une couleur éclatante.

Le trait se fait de plus en plus rapide, elliptique, ne laissant pas de place au vi de. Les sujets traités évoquent les loisirs collectifs tels que les célébrations nationales, les scènes en bord de mer, ou encore les baigneuses. "La plage et l'estocade au Havre" (1926-1930) illustre cette période charnière.

Si, dans l'art de Dufy, l'exaltation de la couleur est au cœur de son propos, le dessin revêt une importance non moins capitale dans cette esthétique.

Capitale de par l'abondante production graphique mais aussi de par l'étroitesse des liens qui relient l'œuvre dessiné aux recherches picturales.

Comme le note Antoinette Rézé Huré, "la spécificité de l'œuvre peinte est sans discordance avec l'originalité du dessin". Et lorsque Dufy recherche l'autonomie de la couleur par rapport à la structure linéaire, sa peinture consacre en même temps l'importance des notations graphiques, le rôle de la ligne et la constitution d'un langage de "signes abréviatifs" qui composent une "sténographie de l'essentiel" pour reprendre l'expression de Marcelle Berr de Turique.

"Mes dessins sont aussi des desseins, aucun d'eux n'est fait pour lui même, c'est toujours le plan pour  une œuvre peinte qui se trouve inséré entre deux traits bien plus qu'exprimée par ces traits-mêmes" écrivait Dufy. Indifférent à la suggestion des plans, Dufy se révèle avant tout sensible à l'énergie décorative du contour et à la mobilité de la lumière comme l'illustre "Queen Mary, étude de vagues" peint en 1937. Deux ans auparavant l'artiste avait fait connaissance de Jacques Maroger, créateur d'un pigment capable de laisser la lumière pénétrer la couche picturale. Dufy utilisera régulièrement ce procédé dont la fluidité et la transparence répondent parfaitement à son goût pour la luminosité.

T. Demaubus


                                               


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