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Paul Rebeyrolle : la sensualité de la matière

Paul Rebeyrolle : la sensualité de la matière

Paul Rebeyrolle possède enfin un espace à sa mesure. Un espace sur mesure même puisque grâce au renouvellement des œuvres par des apports de tableaux récents, l'écueil de la collection monographique figée et monotone a été évité. Le choix d'une présentation dynamique et la création d'expositions temporaires consacrées aux mouvements et aux artistes de la seconde moitié du XX siècle contribuent à faire de cet Espace Paul Rebeyrolle un lieu vivant, tourné entièrement vers la création plastique.

Paul Rebeyrolle naît à Eymoutiers, en Haute-Vienne le 3 novembre 1926. Victime d'une maladie qui l'oblige à une immobilisation totale, en minerve plâtrée, il consacre tout son temps à dessiner.

De son enfance dans le Limousin, il conservera précieusement sa passion de la nature et de la liberté. Il monte à Paris par le "premier train de la Libération" et part à la découverte de la peinture à travers les expositions: Soutine à la Galerie de France, Picasso au Salon d'automne... Lors d'une visite au Louvre en 1947, il est tétanisé par tant de beauté qui s'ouvre à ses yeux : les Vénitiens, Rubens, Rembrandt et les autres...

Indépendant, refusant l'enseignement des écoles d'art, Paul Rebeyrolle fait son tour européen en visitant les musées d'Espagne et d'Italie.

Engagé politiquement, il adhère au parti Communiste qu'il quitte en 1956 à cause des événements de Hongrie et de l'attitude du P.C. lors de la guerre d'Algérie. Paul Rebeyrolle manifeste autant de rejet pour la peinture abstraite que pour le réalisme socialiste. Mais l'essentiel de sa vie, l'artiste le consacre à son amour de la peinture, dans de longues recherches qu'il effectue en solitaire dans son atelier, loin du monde, loin des hommes. "Je me demande si je ne pense pas autant à la vie et aux conditions de vie des individus qu'à la peinture" confie cependant l'artiste.

Sa peinture accorde la primauté à l'invention plastique sur le souci de réalisme. "Quand une toile discourt, le peintre fait de la littérature, Rebeyrolle n'en fait jamais." C'est une peinture qui exige un effort de participation de la part du spectateur. Car l'artiste est quelqu'un qui nous aide à vivre plus pleinement, en transmettant quelque chose : une idée, une couleur, un fantasme, une vision. "On a envie de transmettre le paysage..., la poésie de la rivière" écrit Rebeyrolle.

Ce rapport affectif, quasi amoureux à la nature n'est pas celui d'un naturaliste primaire. C'est celui d'un peintre qui sonde la terre matrice jusqu'à l'ébranlement total de nos sens. Comme si Rebeyrolle avait creusé la terre à l'aide d'une bêche pour en faire surgir le sable, les cailloux, les fleurs, les feuilles, les brins d'herbe, la source, le ruisseau, la rivière, le torrent, sources de vie. Il n'y a plus de ciel mais un bloc primordial qui suggère que toujours, la matière l'emportera.

Même, les admirables paysages d'Ornans de Courbet, d'une sensualité, d'une générosité, d'une qualité de lumière, d'une modernité exceptionnelles, n'ont pas la dimension spirituelle de ceux de Rebeyrolle, à qui nous pourrions appliquer cette phrase de Langhi à propos du Caravage: "hommes, objets, paysages, tout est sur le même plan. Il n'y a pas d'échelle hiérarchique où ranger les éléments suivant leur dignité" écrit Jacques Kerchacke dans la monographie consacrée au peintre.

Rebeyrolle peint aussi la violence du monde : des corps devenus dépouilles, des nus aux ecchymoses, des suicidés aux chairs pantelantes, gonflés, ouvertes. Cette passion pour la plasticité du corps l'a parfois rapproché de Bacon. En vérité, s'il existe une parenté, elle s'exerce plutôt dans leur admiration commune pour Géricault et Picasso que dans leur engagement d'artiste. Les tableaux de Rebeyrolle possèdent davantage la force de ceux de Goya dans leur dépassement des concepts du beau et du laid ainsi que dans ce "monstrueux vraisemblable toujours pénétré d'humanité" dont parle Baudelaire. Leurs œuvres débordent d'humanité et semblent contenues dans cette phrase du maître espagnol: "Toute la peinture est dans les sacrifices et les partis pris."

"Paul Rebeyrolle nous apprend qu'en s'approchant obstinément du réel, on ne risque pas d'être asservi mais plutôt d'être emporté par l'énormité de son invention" écrit Michel Troche pour lequel l'Espace Rebeyrolle consacre une exposition à partir du 14 octobre.

Une double occasion de visiter cet espace.

T. Demaubus


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