Le monde insolite et cocasse de Judikaël

Le monde insolite et cocasse de Judikaël 

Chez Judikaël, chaque tableau a son histoire et contient une histoire. Il ne se réduit jamais à une image colorée "où chacun peut accrocher ses propres rêves" selon l'expression de Bissière et offre au spectateur un monde où coexiste l'anecdote et la fantasmagorie de l'artiste. 

Dans la peinture de Judikaël cohabitent un uni vers abstrait - symbolique - et l'univers du quotidien. C'est de cette rencontre par fois insolite que naissent ses toiles.

Il y a trois ans, Judikaël s'était proposé d'improviser sur l'histoire de Christophe Colomb en réalisant une fresque gigantesque. La monumentalité ne lui fait pas peur, mais il lui préfère l'inti mité de personnages saisis dans des situations affectives cocasses ou insolites. 

Car peindre pour Judikaël répond à deux urgences: celle du désir de peindre et celle de l'inspiration. Ainsi, lorsqu'il aborde le thème du cirque, l'artiste est capable de produire jusqu'à saturation de son esprit et du sujet.

Parler du cirque pour poser un regard de l'enfance sur l'enfance mais aussi pour véhiculer un langage inédit de la couleur dans lequel les couleurs primaires dominent. Utilisant à profusion des couleurs pures, Judikaël ne vise pas à faire de l'art synthétique.

Chaque espace de construction de la toile correspond à une tache, une projection de couleurs. "Chaque tache construit son espace propre. Les couleurs sont posées telles quelles, ce qui donne cette luminosité et ce côté tonique, éclatant. Seul le graphisme modifie les tons de ma toile" confie l'artiste.

Mais ne nous leurrons pas ! Judikaël ne laisse pas le choix et la qualité de ses couleurs au hasard.

S'il lui arrive de mélanger une peinture acrylique avec une peinture vinylique, c'est pour obtenir tel ou tel effet, ce n'est jamais gratuit même si aux yeux du peintre, "peindre implique toujours une part de hasard et de maîtrise".

"Un tableau n'a pour lui véritablement d'intérêt que s'il parle à celui qui le regarde, si on le rejette ou qu'on l'accepte très fort. Si ce tableau nous fait nous interroger, si l'on se demande pourquoi cela et pas autre chose", alors l'artiste aura accompli quelque chose de conséquant .

Au-delà de la diversité des médiums, une liberté d'interprétation farouche démarque Judikaël des autres peintres figuratifs. Comme chez le créateur d'émaux, tout repo se ici sur l'intégrité des matériaux et l'originalité du graphisme.

A force de figurer des personnages dans des formes très insolites, Judikaël parvient "à exciter notre imagination à se mettre en mouve ment" comme le disait si bien Dubuffet et donc par là de "les doter d'un contour bien plus ample par tout ce qu'il aurait pu y mettre. Ce que le peintre met dans une figure a pour effet d'empêcher le regardeur d'y mettre autre chose et pour cette raison moins y aura mis le peintre et plus y demeurera de virtualités".

D'où la réalisation de schémas, d'archétypes, tels les chats et les poissons, signes vivants et non purement décoratifs, dont la vue procure sans doute à l'artiste un inépuisable bien être à cause du rayonnement de calme et de sérénité qui en émane, comme pour les grotesques "vaches" de Dubuffet.

La peinture de Judikaël nous rappelle ce que doit être un véritable créateur: quelqu'un qui devance la mode ou qui la contredit, quelqu'un qui travaille toujours par-delà le bon goût conventionnel. 

Par dessus tout, ce qui l'attire dans la peinture, c'est qu'elle offre la possibilité d'une remise en question perpétuelle. Il cherche avant tout à se surprendre et à nous étonner.

"A une époque où sévit la glose pseudo-intellectuel le, où beaucoup d'artistes peignent d'abord avec leur salive, il est important de privilégier la justesse de l'évocation et de l'idée" affirme-t-il.

Judikaël a encore beau coup de choses à nous raconter... car il sait miraculeusement puiser dans notre banal quotidien toutes les ressources de nouvelles découvertes.

T. Demaubus