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Van Gogh : à Paris "Je suis Vincent, le Hollandais"

Van Gogh : à Paris "Je suis Vincent, le Hollandais"

Van Gogh est demeuré pendant toute sa brève carrière un fils de la Hollande, même quand il refusa le clair obscur. Comme Rembrandt pour qui il a tou jours voué un culte, il pensait que la peinture apportait des joies qui ne déçoivent pas. Il prouve comme lui que les valeurs spirituelles nais sent par la magie de la couleur et de la lumière, d'objets et d'êtres d'apparence triviale, ce qui est une tendance du goût hollandais. Pour Van Gogh comme pour Hals, Seghers ou Vermeer, tout sujet, quelque soit sa richesse affective est un prétexte à une composition calculée, à la peinture pure.

Il demeure ce protestant soucieux de saisir l'actualité vivante de la Bible et qui pense que faute d'une action religieuse par la prédication, la peinture peut aussi diffuser la parole de Dieu.

Après Jongkind, initiateur de l'impressionnisme, Van Gogh est l'initiateur du Fauvisme, qui correspond à son séjour à la Haye.

Qu'est-ce qui caractérise cette période hollandaise, située entre 1882 et 1886 ?

Ce sont avant tout la réalisation de travaux révélateurs du développement ultérieur du génie de Van Gogh et du renouveau de la peinture hollandaise.

Après avoir admiré les sujets de Millet, apprécié la force expressive de la couleur de Delacroix, Van Gogh choisit de prolonger et de renouveler la grande tradition picturale de son pays natal.

En cette période où il semble attaché au clair-obscur de Rembrandt et à la peinture sombre d'Israëls, il est déjà persuadé du vrai pouvoir de la couleur.

Les premières toiles de Van Gogh datent de juillet 1882. Cette époque est une période de tremplin pour Van Gogh. Il produit une quantité impressionnante de toiles (beaucoup ont été perdues) et s'installe dans la Drenthe, une région découverte par des amis peintres. De ses études de laboureurs aux champs,  les personnages sont observés de loin, les paysages représentent des champs plats et des marais, avec des maisons basses à l'horizon.

Les problèmes financiers commencent à se faire douloureusement sentir. Van Gogh accuse même Théo de l'avoir abandonné: "tu n'as jamais vendu une seule de mes oeuvres, même pas contre une petite somme, en fait tu n'as jamais essayé" écrit-il en 1884. Sa maîtrise technique est encore insuffisante pour lui permettre de réaliser un vrai chef d'oeuvre. Pourtant il a hâte de montrer son oeuvre pour la lancer dans le monde.

Quelques temps plus tard à Nuenen, Van Gogh peint encore une grande récolte de pommes de terre. Il a adopté le style des grandes compositions de l'époque de La Haye.

Le séjour à La Haye coïncide avec un certain nombre d'interrogations relatives où l'attitude du peintre à l'égard de ses moyens d'expression, c'est-à dire le choix entre le dessin au trait, l'aquarelle et la peinture à l'huile. Van Gogh montrait peu d'estime aux peintres qui ne prenaient pas le temps de se former au dessin avant de passer à l'aquarelle ou à la peinture. "Quand je vois comment divers peintres ici, que je connais, sont là à chipoter avec leurs aquarelles et leurs peintures, de façon à ne pouvoir en sortir, alors il m'arrive de penser, "mon ami, c'est dû à ta façon de dessiner... La base de tout est la connaissance de la figure de sorte qu'on dessine avec aisance les hommes, les femmes et les enfants dans toutes les actions possibles".

Van Gogh n'abandonnera d'ailleurs jamais totale ment l'aquarelle bien qu'il ne fut jamais un aquarelle liste au sens traditionnel du terme. Il déclare: "Dans l'aquarelle j'ai bien, me semble-t-il, l'effet mais cela n'a pas encore assez de caractère à mon goût. La réa lité, c'est quelque chose comme les Glaneuses de Millet, sévère."

Le Peintre voyageur.

Van Gogh a toujours aimé voyager. Poussé par l'en vie de peindre ailleurs, de changer d'environnement, il est toujours prêt à partir. Il pense ainsi s'installer à l'île de Marken". Qui sait, si on pouvait se décider à s'installer quelque part où c'est vraiment beau, com ment on s'y sentirait ? Mais il faut dans un tel cas avoir au moins un point de contact avec le monde artistique, car bien sûr, la population de pêcheurs n'y comprend rien et il faut pouvoir y vivre".

Mais beaucoup de choses le rattachent à la ville. Durant son séjour dans la Drenthe, il cherche à améliorer sa technique afin de pouvoir espérer entrer à l'Association de dessin. Il pense aussi souvent à partir en Angleterre où il croit que ses oeuvres se vendraient plus facilement.

Par ailleurs, chaque fois que Van Gogh déménageait dans une autre ville, certains changements se produisaient dans son art. Un nouvel entourage, une autre atmosphère l'amenaient à modifier son coloris; le caractère de ses sujets cependant variait aussi peu que le sien. Pour lui peindre signifiait libérer son esprit, raffermir sa puissance créatrice. Partout où il a vécu, Van Gogh a peint ou dessiné la vue qu'offrait la fenêtre de son atelier. Pendant deux ans, dans les landes et les tourbières de Drenthe, puis à Nuenen, il va peindre dans une gamme sombre, à base de noir, de sépia, de bitume. Ses premiers essais possèdent déjà un grand caractère.

Le pêcheur sur la plage, peint en 1882 est encore proche du style de Breitner. La forme est brutale ment taillée, la couleur posée audacieusement élimine le détail.

Bien que la gamme sombre soit faite de tons rompus, on voit déjà apparaître ces couleurs qui s'imposent six années plus tard dans l'Arlésienne, des verts et des jaunes francs dans le ciel et sur la mer, le visage ressortant sur les tons sépia et brun du costume en un vermillon vif. Van Gogh cherche l'instantané du mouvement, le spontané. D'autres toiles de la même époque comme la "charette à vaches" ou les "Métiers à tisser" montrent un plus grand souci de rigueur.

L'ocre, le brun, le sépia dominent les blancs, les verts, les jaunes et les quelques rares notes de rouge. 1885 correspond à un premier tournant dans l'évolution artistique de Van Gogh. Le peintre ressent le pouvoir expressionniste de la couleur qui selon lui, "exprime, par elle même, quelque chose".

Il vient de terminer la première toile de Nuenen qu'il qualifie de tableau, les "Mangeurs de pommes de terre", seul et unique témoignage de son ambition de devenir le peintre de la vie rurale.

S'il se convertira plus tard à un style plus moderne, Van Gogh restera durant toute sa carrière, fidèle à ses figures de Nuenen. Il travaillait relativement vite, après s'être exercé, sans se perdre dans d'infinis détails. En outre, il attachait beaucoup d'importance au travail de mémoire, fidèle en cela au précepte de Zola qui conseillait de ne pas suivre littéralement la réalité, "car on voit la nature à travers son propre tempérament".

Delacroix lui-même n'affirmait-il pas que "l'on fait les meilleurs tableaux par coeur !".

Malheureusement les oeuvres de la période de Nuenen dont "les mangeurs de pommes de terre" n'eurent aucun succès à Paris qui lui reprochait ses "tons cuivrés et verdâtres comme du savon vert". Paris voulait une gamme plus claire.

Les débuts à Paris.

Après quelques mois passés à Anvers où il a étudié les maîtres anciens dans les musées, Van Gogh découvre Paris en mars 1886 où il va éclaircir sa palette et se révéler un véritable coloriste. C'est à Paris qu'il va être confronté à la peinture moderne, favorable à des coloris clairs. Van Gogh commence à peindre des séries de nature mortes, de fleurs, ten tant selon ses propres termes de "rendre une couleur intense et non pas une harmonie grise". Quelques unes de ces toiles sont de grand format montrant que Van Gogh sait tirer le maximum du contraste complémentaire des fleurs et donner vie à ses bouquets. Peintes en touches épaisses et colo rées, à la manière des oeuvres d'Adolphe Monticelli. Outre quelques autoportraits, les paysages urbains et les vues panoramiques observées depuis une hauteur dominent l'ensemble de ses productions.

Van Gogh peint même les moulins de Montmartre comme motif central de ses tableaux. Il partage alors un appartement avec Théo, rue Lepic, après avoir bien étudié son emplacement,

dans le quartier où il espère avoir "le plus de chances de recevoir des visiteurs, de trouver des amis et de se faire connaître". Se faire connaître, telle était l'ambition de Van Gogh en arrivant dans la capitale où il rencontre Signac en janvier 1887. Au printemps, Van Gogh alla peindre avec lui à Asnières où il peint des portraits du père Tanguy et fait connaissance de Cézanne.

Il fréquente assidûment Camille Pissaro et son fils Lucien. Théo le présente à Degas et à Monet. Il assiste parfois aux réunions hebdomadaires qu'orga nisait alors Toulouse Lautrec : l'oeuvre de Seurat, chef de file des néo-impressionnistes le séduit.

Fort de son expérience passée dans la vente de tableaux, il organise une exposition des peintres de la nouvelle génération en décembre 1887 au restau rant du chalet sur l'avenue de Clichy. Il y présente une centaine de ces oeuvres que viennent regarder Pissaro, Guillaumin, Seurat et Gauguin !

On remarque qu'il éclaire sa palette en diluant la couleur finement étalée sur le fond clair du tableau. Il continue de peindre les mêmes paysages ainsi que des portraits et des nus féminins.

Les estampes japonaises déterminent souvent le choix de ses motifs qui révèlent un souci aigu de la forme. 

Les premiers tournesols coupés et séchés naissent des études, dévoilant une technique très riche. Il importait alors à Van Gogh de rendre de la manière la plus convaincante la structure caractéristique du coeur des tournesols.

Cela donne des travaux originaux d'une facture attrayante, au motif parfaitement maîtrisé. L'effet est décoratif, sans réelle signification symbolique. Van Gogh va également peindre des intérieurs de restaurant et une série de souliers où il montre toute la variété et la richesse de son exécution.

L'oeuvre majeure de la période parisienne est sans doute l'autoportrait en peinture, datant de janvier 1888; dans lequel il fait appel à son sens de la physionomie. On y perçoit une impression sinistre d'un homme robuste, large d'épaules, avec "quelque chose de très déterminée dans l'allure". Selon ses contemporains, cet autoportrait où on le voit devant son chevalet est celui qu'il fait le mieux revivre. Etait-ce vraiment cet homme solide mais inquiet qui allait quitter Paris pour Arles et reproduire le paysage provencal à la manière des estampes japonaises?

Jean DELAUNEY


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