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Les précurseurs de l'Impressionnisme

Les précurseurs de l'Impressionnisme

Leurs toiles détiennent actuellement les records de vente, les expositions consacrées à leurs oeuvres attirent les foules du monde entier.

De séditieux, d'inacceptable qu'il apparut à sa création souvent qualifié de mouvement d'anarchistes et de dangereux révolutionnaires - l'Impressionnisme est devenu une valeur presque classique.

Mais qui étaient-ils au juste ? De qui se réclamaient ils ces artistes qui ont marqué le plus profondément notre XIXème siècle par leur manière de voir et de peindre, préparant les bases de l'art moderne?

Gustave Geffroy, l'un des premiers défendeurs de l'art nouveau, disait que cette peinture "va vers le phénoménisme, vers l'apparition de la signification des choses dans l'espace, et veut faire tenir la synthèse de ces choses dans l'apparition du moment". Et Théodore Duret qui considérait les Japonais comme les premiers des impressionnistes proclamait: "désormais la peinture sera claire, définitivement débarrassée de la litharge, du bitume, du jus de chique, du graillon et du gratin... Plus d'effets mélodramatiques, plus de ruines savantes, plus d'arbres composant leurs silhouettes comme des modèles d'académie, plus d'effet théâtral", mais partout "midi roi des étés et du soleil" ! L'Impressionnisme n'est pas né en un seul jour et ses prémices peuvent être décelés dès le Salon des Refusés de 1863, même si ses premières manifestations se confondent alors avec les courants réalistes du moment.

Mouvement français, l'Impressionnisme sera très vite rejeté par la bourgeoisie qui lui préfère un art plus conventionnel. Aux yeux des artistes, il ouvre une voie totalement nouvelle à la pratique picturale.

LE SCANDALE DU "DEJEUNER SUR L'HERBE"

 

L'exposition du "déjeuner sur l'herbe" en 1863 au Salon des Refusés a provoqué un scandale moins par le sujet exposé - une jeune femme nue au milieu d'hommes vêtus - que par sa technique déconcertante pour l'époque. Art de la rupture ? Manet n'est pourtant pas révolutionnaire : il n'hésite pas à utiliser les chefs d'oeuvre anciens et reprend ici une composition de Raphaël.

Manet ainsi que Whistler apparaissent comme de véritables provocateurs.

Quand à l'impact de Courbet sur Monet, il a souvent été éclipsé par ses relations avec Manet, ou celles plus anciennes, avec Jongkind et Eugène Boudin sur la côte normande. La gigantesque toile du déjeuner sur l'herbe n'est-elle pas le signe le plus évident de son admiration pour Courbet?

Courbet en effet fut le premier à renouveler la dynamique du tableau de paysage : ses toiles montrent le même intérêt pour les colorations du ciel et de la mer, gris bleu ou rose, mais traitées par longues traînées de pinceaux, de manière esquissée et tout à fait suggestive.

PEINDRE LE LIBRE JEU DES FORMES COLOREES

Plus s que n'importe quel autre peintre de son époque, Courbet considère la peinture comme simple jeu de variations colorées, au point de donner à ses compositions des titres qui ne font apparaître que des dominantes de couleurs.

Whistler, quant à lui, est fasciné par l'art japonais dont il imprègne ses tableaux en faisant adopter des poses à ses jeunes femmes, des poses inspirées de celles que l'on trouve dans les estampes de Kunisada ou d'Hokusaï.

Si Manet apparaît comme le pont sur lequel vont passer les impressionnistes, tous amoureux du soleil, de la clarté, il n'est pas le seul à avoir annoncé son arrivée. Des artistes comme Boudin et Jongkind préfigurent déjà dans leurs paysages - aux grands ciels qui rejoignent la terre ou la mer cette découverte d'une source d'inspiration et de libération.

Dans leur peinture, on ne perçoit plus que des rapports de tons extrêmement raffinés entre les nuages et les vagues, que des formes mouvantes, diffuses qui se répondent. Jamais auparavant n'avait on accordé autant d'importance à tenter de rendre l'atmosphère.

Les recherches d'atmosphère, de luminosité ne sont pas le seul fait des artistes malmenés par le jury des salons parisiens.

On les retrouve également chez les orientalistes, débarrassés du clair obscur romantique. Dans le même temps, Ingres au fait de sa gloire, terminait son célèbre bain turc, chef d'oeuvre absolu de l'orientalisme.

L'AMOUR DE LA NATURE

Une autre composante caractérise cette nouvelle manière de peindre : l'attrait pour la scène de plein air, dans les jardins bourgeois, évoqués de manière floue comme "une toile de fond de photographe" mais aussi l'intérêt pour les reflets des arbres, du ciel sur l'eau.

Sa peinture par touches colorées, apparaît si évocatrice des reflets dans l'eau. Nous sommes en 1869. Renoir et Manet abordent les scènes de la vie moderne en plein air.

En France, à partir de 1870, les évènements (la guerre avec la Prusse, les défaites militaires, l'abdication de Napoléon III...) bouleversèrent la vie des artistes plus qu'elle ne modifia leur style.

Certains artistes n'hésitent pas à quitter la capitale pour se retrouver à Londres. C'est le cas de Monet et de Pissaro qui grâce au marchand parisien Durand Ruel pourront commencer à vivre de leurs oeuvres. Ces artistes vont être confrontés aux artistes anglais dans les musées, où ils pourront étudier leur travail à loisir. Même s'ils devaient nier toute influence, l'art du paysage lumineux d'un Turner ou d'un Constable a marqué profondément leurs démarches du moment.

Monet rentre à Paris à la fin de 1871, la capitale foisonne en activités artistiques. Le critique Armand Silvestre évoque dans son article sur l'école de peinture contemporaine les paysages de Monet, Pissaro, Sisley présentés alors à la galerie Durand Ruel et s'attarde sur la "caresse immédiate que l'oeil recueille" et sur la "gamme singulièrement riante" qu'ils utilisent, y décryptant des emprunts à l'iconographie japonaise.

LA LECON DU GRAND TURNER

Les derniers tableaux du réaliste Millet annoncent, eux aussi les composantes de l'Impressionnisme par leurs effets de lumière étrange, traitée par de rapides et saisissantes touches. Comme Turner, ces peintres "pensaient directement en couleurs". En effet, les derniers tableaux de Turner voient la disparition du motif au profit de la couleur et de la forme simplifiée à l'extrême. C'est la dynamique de la touche qui fait le dessin.

Pour pallier à l'effacement progressif du contour, la matière devient dessin et fait surgir la forme, restituée par la mémoire.

Pissaro, Monet, Renoir et Sisley n'affirment-ils pas que leur but est de "ramener dans l'art l'observation scrupuleusement exacte de la nature, en s'appliquant avec passion à rendre la forme en mouvement aussi bien que les phénomènes fugitifs de la lumière"? Ils ne peuvent oublier qu'ils ont été précédés dans ce rôle par un grand maître de l'école anglaise, l'illustre Turner.

Sans se perdre dans les rêveries fantastiques d'un Turner, cette aventure picturale qu'est l'Impressionnisme trouvé dans la contemplation de la nature bon nombre de motifs inexplorés qui sont autant d'occasions à nous émerveiller.

Comme pour le grand Constable, le ciel exerce sur eux une fascination constante et leur souci sera toujours d'en traduire la vie incessante.

Les peintres anglais ont donc bien eu une incidence (consciente ou non) sur la manière de voir, d'enrichir leur propre vision par l'étude de la nature, la nécessité de rendre immobile le mouvement tout en lui préservant sa mouvance.

Jean DELAUNEY


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