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Dans le chemin où je suis, je dois continuer, si je ne fais rien, si je n'étudie pas, si je ne cherche plus alors je suis perdu. Alors malheur à moi. Voilà comme j'envisage la chose - continuer, continuer, voilà ce qui est nécessaire. Ce but devient plus défini, se dessinera lentement et sûrement, comme le croquis devient esquisse et l'esquisse tableau, au fur et à mesure qu'on creuse davantage l'idée d'abord vague, la première pensée fugitive et passagère à moins qu'elle devienne fixe", livrait Van Gogh à son frère Théo en 1880. Pouvait-on trouver plus belle illustration de la célèbre phrase de Buffon selon laquelle le génie est affaire de patience? Si Picasso fut le génie déifié du XXème siècle, Van Gogh fut sans doute l'artiste maudit du XIXème siècle.
Mais qui était-il véritablement, ce peintre qui, en moins d'une décennie, réalisa près de onze cents dessins et environ neuf cents toiles, n'hésitant pas à jeter un œil critique sur ses tableaux qu'il considérait avant tout comme des exercices préparant la voie aux manifestations de l'œuvre véritable?
Fallait-il tant de souffrances, d'incompréhensions, de renoncements forcés, de travail acharné pour qu'un musée entier, une biblio thèque et une fondation soient consacrés à son œuvre et à son étude.
Le mythe Van Gogh n'a-t-il pas fini par occulter la véritable personnalité de l'artiste?
En replaçant son œuvre dans sa continuité historique, peut-être réussirons-nous à montrer, derrière l'image fabriquée, le génie d'un artiste authentique.
Né le 30 Mars 1853 à Zundert, Vincent Willem Van Gogh est le premier fils du pas teur Théodorus Van Gogh.
Après quelques années d'études, il entre au service du commerce d'art international. Goupil & Co à La Haye où il commence sa correspondance avec son frère cadet Théo. Il démissionne en 1876 pour devenir instituteur dans une pension de Ramsgate puis à Isleworth, près de Londres. Il reviendra s'installer à Amsterdam l'année suivante pour y préparer les études de pasteur durant lesquelles il dessine des cartes. Après trois années de doute et de solitude, il choisit de se consacrer à l'art. Ses premiers modèles seront les reproductions des tableaux de Millet et ses scènes paysannes. Certes, Van Gogh avait montré, dès l'âge de neuf ans des dispositions certaines pour le dessin, mais sa vocation de peintre ne s'est imposé qu'à l'âge de vingt sept ans! "Je me suis dit, je reprends mon crayon, je me mets de nouveau à dessiner et, depuis lors, tout a changé pour moi" écrivait-il en Août 1880.
Cette phrase en dit déjà beaucoup sur cette soif de communication jamais assouvie ainsi que cette curiosité d'un homme affamé d'art. La scène artistique de l'époque était dominée par Millet que Van Gogh avait déjà vu lorsqu'il travaillait à la Galerie Goupil, ainsi que par les peintres de Barbizon et l'école de la Haye Jacob Maris, ou Anton Mauve cousin par alliance de Van Gogh.
Van Gogh exerça également son œil en fréquentant assidûment le Mauritshuis où il approfondit sa connaissance des maîtres de la tradition classique.
Ses visites fréquentes à Londres lui permirent de découvrir non seulement les richesses de la National Gallery, du Victoria and Albert Museum mais également de se plonger dans la lecture de Keats, ce grand
poète disparu à 25 ans. Parmi ses peintres favoris, Millet dont il tapisse les murs de sa chambre mais aussi Jules Breton, François Daubigny, Gabriel Charles Gleyre et Rosa Bonheur.
Ses visites au Trippenhuis (ancêtre du Rikjsmuseum où il allait admirer les tableaux de Rembrandt) lui apportèrent beaucoup de joie.
Alors qu'il ne commence qu'à peine à peindre, ses croquis de paysages n'ont plus la dureté des villes anglaises esquissées à coups de crayon mais gagnent en précision et en contraste. Van Gogh utilise déjà le grain du papier pour créer une atmosphère. Cette passion pour le dessin ne cessera de grandir comme le révèle une de ses lettres à Théo où il écrit : "J'aimerais esquisser quelques croquis des nombreuses choses que je rencontre, mais cela me détournerait certainement de mon véritable devoir et je préfère ne pas commencer". Cette notion de devoir à accomplir, de mission à réaliser ne devait-elle pas à force de l'isoler le faire basculer dans les ténèbres de l'irrationnel, de la folie?
Avide d'apprendre, le jeune peintre copie le cours de dessin de Bargue (Compilation de reproductions à but pédagogique).
Soucieux d'améliorer sa technique du dessin dans le but de devenir illustrateur, il voue une passion sans tâche pour Daumier ainsi que pour Gustave Doré. A partir de 1881, il s'essaie à la peinture sur le vif et ne produit que des personnages iso lés parmi lesquels : le vieux paysan près du feu que l'on peut voir au musée Krüller Müller Otterlo.
Conscient de ses faiblesses, notamment en terme de composition, Van Gogh cherche à corriger sa tendance à accorder trop d'importance au détail par rapport à l'ensemble. Toutefois son cousin Anton Mauve reconnut la valeur de ses dessins personnels et l'encouragea à se mettre à la peinture, encouragements dont Théo allait se faire l'écho. Les premiers tableaux de Van Gogh coïncident avec cette époque.
Van Gogh se met alors à peindre en se servant de modèles parmi les paysans qui ne consentaient à poser que revêtus de leur habit du dimanche et non de leurs vestes de tous les jours. Il exécute quelques aquarelles représentant une jeune fille tricotant dont il pensait qu'elles seraient "vendables en cas de besoin".
"Mon idéal est de travailler avec de plus en plus de modèles, tout un troupeau de pauvres petites gens pour qui l'atelier doit être une sorte de havre ou de refuge les jours de froid ou lorsqu'ils sont sans travail ou dans le besoin où ils savent qu'il y a du feu, à manger, à boire et quelques sous à gagner.
Actuellement, cela n'est encore qu'à très petite échelle mais j'espère que cela va s'étendre".
Ses modèles favoris étaient les vieillards de l'hospice, ainsi qu'une mère et ses enfants. Van Gogh espérait ainsi, d'après toutes ses études de modèles, parvenir à des types - ce qui l'intéressait n'était plus de reproduire un modèle donné, mais de trouver et de rendre les traits caractéristiques d'une certaine activité. Il s'agissait pour lui de la forme la plus "haute de l'art", et là, "l'art surpasse parfois la nature... il y a par exemple plus d'âme dans le Semeur de Millet que dans un simple semeur au champ". Après une aventure malheureuse avec sa cousine Kee Vos, une veuve venue séjourner quelques semaines chez ses parents, Van Gogh jette son dévolu sur une couturière, mère de plusieurs enfants, qu'il veut sauver de sa condition précaire en l'invitant à vivre chez lui et à poser pour ses tableaux. Cela ne fit qu'exacerber la colère de la famille Van Gogh qui menaça d'enfermer le peintre dans un asile !
Au cours du printemps 1882, il fréquenta l'atelier Pulchri, véritable communauté d'artistes où l'on dessinait et discutait. Son seul vrai ami était Van Rappard dont il avait partagé l'atelier l'année précédente.
Van Gogh qui avait utilisé la peinture à l'huile pour la première fois en janvier 1882 devait rapidement abandonner ses tentatives, s'estimant selon ses propres dires "encore trop hésitant quant au dessin". Il avait pourtant conscience de la nécessité de pratiquer la peinture pour améliorer la qualité de ses dessins, "car pour l'air, la terre, la mer, le pinceau doit être présent, ou plutôt pour les exprimer par le seul dessin, il est nécessaire de connaître et de sentir le maniement du pinceau".
Van Gogh prit d'ailleurs beaucoup de plaisir à travailler cette matière nouvelle pour lui, car il comprenait que "les choses peintes ont un aspect plus agréable" que les dessins ou aquarelles.
Pour l'anniversaire de Théo, en mai 1882, Van Gogh lui envoya deux dessins qu'il considérait comme indissociable: Sorrow" et "Racines d'arbres dans un sol de sable". Van Gogh écrivit à Théo : "J'ai essayé de mettre dans le paysage le même sentiment que dans la figure... Je voulais exprimer le combat de la vie tant par ce personnage de femme, mince et blanche, que par ces racines noires et grossières avec leurs noeuds... Il m'a semblé qu'il y avait du senti ment, mais je peux me tromper, enfin tu n'as qu'à voir".
Dans toutes les choses de la nature, Van Gogh voyait une âme, pas seulement dans les êtres, mais également dans les arbres, le blé, l'herbe...
"Une rangée de saules étêtés a parfois quelque chose d'une procession de vieillards d'hospice. Le jeune grain peut avoir quelque chose d'indiciblement pur et doux, qui sus cite la même émotion que l'expression d'un petit enfant qui dort..."
Une telle déclaration n'annonce t-elle-pas déjà un tempérament à part, celui de l'artiste visionnaire des champs de blés exécutés d'un seul élan d'après nature, et non pas élaborés comme des tableaux stylisés et médités.
(A suivre...)
Jean DELAUNEY