Les dessins préparatoires de Charles Levier

Les dessins préparatoires de Charles Levier

L 'art de Levier ne saurait être en aucun cas rattaché à une Ecole. Si certains de ses dessins reflètent les principes picturaux de Cézanne, Levier a toujours été réticent "d'emprisonner" la Nature dans les limites étroites et rigides de la géométrie du dessin. En cela, il est proche de Renoir lorsqu'il affirme "qu'aucun tableau digne de ce nom n'a jamais été peint par des théories".

Levier possède la simplicité des contours qui existe chez Gauguin, dont les idées et les méthodes sont à l'origine de l'art moderne.

Les nus de Levier révèlent la netteté du trait et la justesse de la silhouette. Ils ont même une finesse et une élégance qui contrastent avec les formes sensuelles, des modèles de Renoir, plus en chair. C'est à leur transparence et leur candeur que ces jeunes femmes doivent leur volupté.

Jamais elles ne trahissent la conscience de leur nudité ni ne cherchent à la dissimuler. Sans fausse pudeur, elles montrent leurs corps aux membres fins et délicats, mais masquent leurs sentiments.

En ce sens, elles rappellent les arlequins dont les visages possèdent la même vertu méditative, la mélancolie en plus. Leurs costumes, ornés de motifs, semblent véhiculer des réminiscences du Cubisme bien que l'artiste n'en fasse jamais un élément dominant.

Comment, en voyant ces dessins, ne pas penser à la célèbre phrase de Goya: "Donne moi un morceau de charbon, je te donnerai un dessin en échange". Toute la force du crayon et l'expressivité du noir et du blanc sont présents dans les dessins de Levier : la splendeur des eaux fortes d'un Rembrandt, la puissance du trait d'un Daumier et la gaieté d'un Constantin Guys.

Corot pensait que l'âme de tout artiste était un miroir dans lequel la nature se reflétait de manière unique et individuelle.

Le miroir de Levier, avec ses bateaux, ses clowns et ses jeunes femmes méditatives, est du plus grand intérêt. Tel un Cézanne, il ne tente pas de reproduire la Nature, il la représente.

A moitié américain comme Churchill, Levier reste d'abord français par la spiritualité et le charme qui débordent de ses oeuvres.

T. DEMAUBUS