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Van Dongen , lithographie hors du commun

Van Dongen , lithographie hors du commun

Toujours chaussé de sandales, barbe blonde, regard narquois, pull-over kaki, le beau Kees Van Dongen fut l'enfant chéri de la butte Montmartre. Quittant sa Hollande natale en 1901, le jeune peintre s'établit à Montmartre, attirant sur lui les bons auspices de la critique.

Ni les vues des bords de la Seine, ni les paysages de Collioure ne l'attirent. Seule la figure humaine, notamment le corps de la femme l'intéresse vive ment.

A son arrivée dans la capitale, Van Dongen exercera tous les métiers : fort des halles, peintre en bâtiment, dessinateur à la terrasse des cafés, caricaturiste pour des journaux satiriques.

Le prestige artistique de la capitale le captive et plus encore l'opportunité de puiser à loisir parmi les mille spectacles mondains qui s'offrent à lui et qu'il tente de capter à travers de multiples croquis.

Paris va singulièrement contribuer à attiser en lui un feu qui ne demandait qu'à s'embraser depuis qu'il avait peint les bas-fonds du port de Rotterdam.

Au-delà des ébats de débauche qu'il croque sur le vif dans les bals et cafés de Montmartre, c'est l'émergence d'un culte que le peintre commence à rendre au corps féminin.

Loin des anciennes contraintes de la prude Hollande, sa sensualité débordante va pouvoir s'épanouir dans l'atmosphère parisienne et s'exprimer avec une totale liberté. On le verra d'ailleurs bientôt se livrer à de fougueuses notations à l'encre de chine rehaussées de violents bariolages qui feront sensation chez Vollard. Certaines de ces toiles évoquent les rues chaudes de Rotterdam, les filles de Roode Zand et de Zandstraat avec des marins.

Une fois encore, au delà de l'anecdote, il s'agit de peindre la femme charnelle et provocante. Le nu féminin deviendra ainsi très vite l'une des principales sources d'inspiration de peintre.

Pour Van Dongen, la femme est "comme une fleur que l'on cueille et que l'on jette - mais d'autres fois, c'est toute la terre et tout le ciel, c'est le feu de la vie, c'est l'épouse et c'est aussi l'amante, l'oubli dans la volupté ".

La vivacité de ses couleurs et sa grande liberté d'expression, l'insolence de ses nus qui déclenchèrent un véritable scandale au salon d'automne de 1913 firent de lui un peintre mondain, ayant su pré server l'audace faune et expressionniste de ses débuts.

La femme maquillée, fleurant une essence exotique devient pour lui, paysagiste-né, le paysage de ses préférences d'homme.

                                                       

Ces femmes aux yeux meurtris qui leur dévorent la figure, où les bouches saignent parmi les fards, où les seins prennent une signification unique, sont des enfants sauvages qui ne pensent qu'à se parer de bijoux, qu'à faire de leur corps un bouquet barbare et capiteux. Jamais elles ne revêtent l'âpre vénalité des filles de Lautrec. Leur ingénuité, autant physique que plastique, séduit d'emblée.

Durant une période marquée par l'austérité de l'art moderne - entraînant la disparition du délire des sens - Van Dongen réintroduit les valeurs de la volupté et de la sensualité par une couleur débordante de vie.

Celui qui s'était rué sur la technique expressionniste où il pouvait épancher sa verve explosive et le plaisir de manier la pâte avec dynamisme, allait montrer également un véritable engouement pour la lithographie.

Paradoxe pour un artiste qui adorait se "griser de soleil et de reflets" que cette passion pour un art plus froid, où la force du dessin doit combler l'absence des couleurs vives chères au peintre. Mais surtout, nouveau défi pictural pour le chantre des années folles dont Apollinaire célébrait déjà les fastes incomparables en 1918: Ce coloriste a le premier tiré de l'éclairage électrique un éclat aigu et l'a ajouté aux nuances.

                                                   

Il en résulte une ivresse, un éblouissement, une vibration et la couleur, conservant une individualité extraordinaire, se pâme, s'exalte, pâlit, s'évanouit sans que l'assombrisse jamais l'idée seule de l'ombre.

Sans doute fut-ce son talent de dessinateur forgé par son travail aux terrasses des cafés à son arrivée à Paris qui lui permit de pratiquer avec bonheur la lithographie.

Servi par un sens inouï de la notation sur le vif, il avait acquis, très vite un tour elliptique et concis, doublé d'un ton direct et d'un trait délié et incisif. C'est ce rythme souple, d'interprétation facile et de grande lisibilité que Kess Van Dongen exploita dans ses nombreuses lithographies au tracé autoritaire et dépouillé. Se jouant des difficultés liées à la technique exigeante de la lithographie opposée à son tempéra ment sensuel, Kess Van Dongen parvient à diversifier ses dessins qui sont toujours un ravissement pour l'oeil.

Les silhouettes et les visages sont littéralement taillés avec des traits accentuant les contrastes et renvoyant au spectateur l'étonnante force de suggestion du modelé.

C'est dire si les lithographies de Van Dongen nous éclairent sur ses dons de dessinateur et de caricaturiste et révèlent un réalisme fidèle à la tradition hollandaise.

Peut être traduisent-elles davantage le pessimisme de cet artiste avide de tous les plaisirs de l'existence. Pour autant, elles prouvent indéniablement que la virtuosité du peintre n'eut pas suffi à justifier la brillante ascension comme portraitiste à une époque où ils abondaient dans les salons.

La fantaisie de Van Dongen, son excentricité - même atténuée - joue ici pleinement, pour notre plus grand plaisir. (à suivre)

Jean DELAUNEY 


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