Jacques EITEL : l'accord parfait de la forme et de la couleur

Jacques Eitel : l'accord parfait de la forme et de la couleur

La peinture de Jacques Eitel nous rappelle que la valeur réelle de l'art est fonction de son pouvoir de révélation. Son dessin crée la sensation, sa couleur, la géométrie des formes. Le tableau apparaît alors comme une suite d'aplats qui se lient entre eux et forment l'objet sur lequel l'oeil se promène sans accroc.

Tel est le paradoxe de la peinture d'Eitel : la couleur de ses aplats crée contraste et relief.

Un premier plan (une fleur, une voilure, un arbre) permet d'assurer la profondeur et crée la sensation d'espace.

Le peintre n'hésite d'ailleurs pas à "densifier" ses premiers plans, soit par la force d'un rouge, soit en appliquant la couleur au couteau pour accentuer le relief.

Les couleurs éblouissantes se détachent et, par la science des formes, Eitel obtient un effet de poésie et de sérénité.

Il y a un silence dans les toiles d'Eitel qui envahit l'espace. Silence des arbres, silence des êtres, silence des choses. Ce silence annonce la promesse d'une paix intérieure et révèle une intemporalité.

Soucieux du motif pris dans la nature, Eitel sait bien qu'il ne peut servir que de base à l'unité picturale. Ce qu'il cherche est plus significatif, plus tangible dans son articulation, et donc, plus permanent. Ce sens de la permanence est sans doute l'une des composantes majeures de la peinture d'Eitel.

Les maîtres anciens estimaient que les différentes parties de la composition d'un tableau devaient être aussi nettes que celles de l'architecture. L'oeil pouvait ainsi circuler à travers un système bâti selon une alternance de concavités et de convexités où de multiples gradations d'ombres et de lumières étaient dis posées autour des différents pôles d'intérêt du tableau. L'impressionnisme, en tentant d'adapter à ce système ses touches quasi-immatérielles, avait du se résoudre à un échec. Même la méthode pointilliste et hyper-impressionniste de Seurat, malgré son remplissage par la couleur, n'est pas parvenue à sortir de l'impasse.

A l'instar de Cézanne, et du même coup des Florentins, Eitel se soucie d'abord de la masse et du volume et seulement ensuite - en tant que leur dérivé de la profondeur de l'espace.

D'une certaine manière, Eitel transforme la méthode impressionniste fondée sur l'enregistrement des variations de la lumière en une méthode qui indique les variations de plans des solides. Au modelé couramment obtenu par les contrastes de clair et d'ombre, Eitel propose un modèle obtenu par des différences entre tons chauds et tons froids.

Merveilleux Eitel qui construit une illusion de pro fondeur tout en gardant à l'esprit le souci de la sur face. Davantage de lumière circule ainsi dans l'espace reconstruit sous nos yeux émerveillés. Quiétude, charme, sérénité, la peinture d'Eitel est source de bonheur esthétique.

Jean DELAUNEY