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Botero : Encore et encore !

Botero : Encore et encore !

Il est des artistes qui augmentent votre intensité respiratoire et modifient la saveur de l'air. C'est un peu comparable à cette dernière bouf fée lorsqu'on arrive en haute montagne aprés un long séjour dans les métropoles grises et poussiéreuses. Botero transporte ses cimes avec lui. Certains que le hasard ou le désir ont amené sur le prolongement des Champs-Elysées en cette fin d'an née 1992, n'oublieront pas de si tôt leur vertige. Brusquement, au coeur de la ville saturée d'agitation, l'espace était rendu au coeur, les passants redevenaient poètes, la rue devenait jubilation.

Tant la légèreté habitait ces énormes masses, tant la grâce et la délicatesse métamorphosaient ces énormes volumes que nous devenions les acteurs privilégiés d'un rêve éveillé. Il nous semblait que ces bronzes imposants auraient pu s'envoler.

Et peut-être l'auraient-ils fait s'ils n'avaient été fixés sur leurs socles. Métamorphose des sens proposée aux promeneurs. Nous assistions à une inversion radicale de nos habitudes. Dans un épanouissement de rondeurs, de creux et de bosses, Botero nous livrait un secret en nous délivrant du carcan étroit dans lequel nous confondons beauté, élégance, noblesse avec les images des pages glacées de nos magazines de mode. Maillol déjà avait restitué au corps de la femme ce vertige qui émane de la plénitude des formes quand la sensualité et la joie du corps s'inscrivent dans une masse tellurique mais délivrée de sa pesanteur. Car Botero nous conviait, comme les plus grands artistes, à quitter le giron exsangue de nos habitudes esthétiques. On nous a tant et tant répété, dans tous les arts, que minceur devait rimer avec rigueur, que minceur devait composer avec finesse, que minceur se confondait avec beauté, que nous finissions par tout oublier. Oublier les grandes leçons du passé, de Brueghel à Rubens, de Dürer à Ingres, de Michel-Ange à Moore. Oublier que les minces peuvent être obèses. De cette obésité qui n'a rien à voir avec les formes et qui remplit les bosses aussi bien que les creux. Que la grâce et la légèreté ne sont pas affaire de poids, ni de volume, ni de quantité. La grâce et la légèreté habitentindifféremment toute forme. Toute forme à une seule condition. Et cette condition Botero nous la dévoilait. Botero nous la don nait, nous la donne pour que nous en imprégnions notre regard, afin de redécouvrir le monde. Le secret de cette condition est simple : la grâce et la légèreté habitent toutes les formes qui en sont les hôtes.

Je ne sais quand ni vraiment pourquoi Botero a pris ce parti plastique. Mais, au-delà du formidable travail dans l'espace, au delà de l'apprivoisement du volume, au-delà de la jubilation à occuper un lieu au maximum d'une extension, Botero nous convie à danser avec les formes. Et ce n'est pas un hasard si je parle de danse. J'ai sous les yeux un magnifique livre que J. Sullivan a consacré aux dessins et aquarelles de Botero (1). Tout commence dans le dessin. Tout s'engendre dans le dessin, et peut-être ne le répéterons-nous jamais assez, ni jamais assez bien, l'homme s'élève à l'homme par la parole et la main. Botero a choisi la main. Cette main qui trace sans discontinuer depuis le commencement de l'homme. Car le dessin est une écriture qui transcrit la quête d'une plénitude ou les affres de notre condition. Car l'homme est aussi la proie despotique de l'homme. Et Botero ne l'oublie pas et il lui arrive de le crier. Quelques sculptures aux Champs Elysées étaient là pour le rappeler aux passants indifférents

Mais revenons aux dessins. Sur sa page, Botero découvre les formes qui se mueront en peintures ou sculptures, plus tard, bien plus tard. Mais d'abord, il aura fallu cet accouchement, cet accouplement de la main et du crayon, cette assomption de l'homme avec lui-même, pour que la forme surgisse. Ecrire et dessiner sont en fait du même ordre. De cet ordre charnel qui compose avec l'esprit aux antipodes d'une jouissance machinale. Et si Botero nous conviait à redécouvrir ce que l'histoire des hommes a toujours voulu préserver en tous lieux et dans toutes les cultures? Et si Botero nous invitait à reprendre la route des maîtres anciens que nous croyons appartenir au passé? Et si Botero par la joie qu'il nous communique nous conduisait à revisiter l'actualité éternelle des chefs d'oeuvres qui nous aident à tenir droit? Je le crois et le regard de certains passants en ce mois d'hiver 92 sur les Champs-Elysées m'ont convaincu que je ne suis pas le seul. Sublime et réconfortant!

Alain Calonne

(1) J.Sullivan - Botero - Dessins et aquarelles - Ed. Le Cercle d'Art 


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