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Renoir Et le Moulin de la Galette

L 'impressionnisme se développa à Montmartre, loin de l'école des Beaux Arts. Pour la première fois, une grande école de peinture était née dans un décor modeste mais pittoresque : avec ses petits jardins, ses pavillons comme les a si bien peint Guillaumin en 1865.

Les impressionnistes n'avaient pas besoin d'un prestigieux décor architectural comme on en trouve à Rome ou à Venise, ni d'une dignité bourgeoise comme en Hollande ou d'une campagne romantique comme celle des peintres anglais. Les "palais" que fréquentait la jeune école sont ceux d'un petit peuple un peu fripon, tel le Moulin de la Galette.

Les impressionnistes peignaient les rues les plus banales, la gare Saint Lazare était leur capitole. Ils refusaient l'esthétique basée sur une idée reçue de la Beauté, telle qu'on l'enseignait à l'école des Beaux Arts. Ces jeunes peintres, naturalistes décrétèrent que leur quartier valait autant d'être peint que les bords du Tibre. Ils refusaient l'enseignement officiel, influencés par la poussée de la démocratie. Selon eux, la vérité n'était plus dans les superbes monuments, mais dans le peuple qui représentait la valeur sociale la plus importante. Les impressionnistes, ainsi que Zola rejetaient l'humanisme officiel.

Pour célébrer le succès de "l'Assommoir" où Zola a si bien décrit le petit peuple, une fête fut organisée en 1874 au Moulin de la Galette. Les invités, qui appartenaient aux milieux littéraires et théâtraux, devaient y venir habillés en ouvriers ou filles de joie.

Les impressionnistes étaient des gens sympathiques sans grand rapport avec la canaille. Leurs modèles - qui parfois devenaient leurs compagnes pour une saison ou même toute la vie comme Madame Renoir - étaient les filles de la Mimi Pinson romantique ou des provenciales venues à Paris en quête d'un travail.

De tous les impressionnistes, Renoir est le plus montmartrois. Il s'installa à Montmartre et y resta près de 40 ans.

C'est en 1876, qu'il peignit sa célèbre composition "Le Bal du Moulin de la Galette". Renoir allait presque tous les samedis faire la fête au Moulin de la Galette accompagnés de ses deux amis peintres Georges Rivière et Goenelette. Ils y dansaient allègrement avec des charmantes jeunes femmes qui deviendront très vite les modèles de sa grande toile où Renoir décida de fixer ses moments de bonheur. Il cherche alors un logis près du Moulin. Georges Rivière raconte: "Dès que Renoir eut franchi le seuil de la porte, il fut charmé par la vue du jardin qui semblait un beau parc abandonné. Traversé l'étroit couloir de la maisonnette, on se trouvait devant une vaste pelouse inculte dont le gazon était par semé de pavots, de liserons, de pâquerettes. Au-delà, une belle allée plantée de grands arbres, et derrière encore un verger, un potager, puis des arbustes touffus... Il loua deux vastes pièces et une écurie pour y ranger ses toiles... Nos journées se passaient ainsi gaie ment, partagées entre le vieux logis de la rue Cortot et le Moulin où Renoir travaillait l'après-midi à sa grande toile du Bal. Cette toile, nous la transportions: tous les jours, de la rue Cortot au Moulin car le tableau fut exécuté entièrement sur place. Cela n'allait pas toujours sans difficulté quand le vent soufflait et que le grand châssis menaçait de s'envoler, comme un cerf-volant, par dessus la Butte".

Les danseurs du Moulin, de la Galette qui ont posé pour Renoir sont : Estelle, assise au premier plan, Margot danse au centre avec un camarades: Rivière, Lestringuey, Gervex sont à la table de bois et boivent dans de gros verres. 

A l'exception des grands lustres à gaz qui donnaient une ambiance de luxe clinquant, le Bal du Moulin de la Galette avait ce côté rustique et bon enfant que n'auront plus quelques années plus tard les bals que fréquenta Toulouse-Lautrec.

L'un des rares critiques de l'époque qui appréciait la peinture de Renoir disait que "le peintre a très exactement rendu l'ensemble tapageur et légèrement débraillé de cette guingette, la dernière peut-être qui existe encore dans Paris. On danse dans le petit jardin maigre qui se tient au Moulin. Une grande lumière brutale tombe du ciel à travers les transparences vertes du feuillage, colore les cheveux blonds et les joues roses, met des étincelles aux rubans des petites filles, illumine toute la profondeur du tableau... C'est comme un miroitement d'arc-en ciel...".A la même époque, toute une série de toiles furent peintes dans le jardin de son atelier sur Cortot: "La Balançoire" "Torse de jeune femme au soleil" conservés au Musée d'Orsay, "Sous la Tonnelle" du Musée Pouchkine de Moscou et "Le Jardin" Toutes ces toiles furent exposées lors de la troisième exposition impressionniste en 1877. Lorsque Renoir fit un voyage en Italie avec son ami Monet, il eut la nostalgie du Moulin de la Galette: "Je m'ennuie un peu loin de Montmartre, la moindre grisette vaut la plus belle Napolitaine" écrit-il à un ami . 

Renoir avait en commun avec l'écrivain Zola le sou cis de représenter son temps. Il fit d'un décor simple, de filles gentilles mais vulgaires, une sorte de Cythère populaire. Jeunesse et peuple firent désormais partie du mythe de la Butte. 

Voici ce que l'on pouvait lire dans le Pick Me Up en 1895:

"Ils dansent à petits pas d'une façon nouvelle. Ils tentent d'imiter les célébrités, leurs airs, leurs grâces, les danseurs dont ils ont entendu parler. Ils donnent libre cours à tous les badinages et fredaines de leurs petites imaginations mal élevées, de leurs pauvres rêves, et c'est bon, très bon à Les sont grossiers, de grands voir (...).Les gars sont grossiers, de grands gamins chez qui la lutte contre la faim a creusé au coin des lèvres une ruse séculaire et une amertume. Ils ressemblent a de soi-disant voleurs ou à de jeunes fripons .

Ce sont des garçons bouchers, des garçons boulangers, des charbonniers, des employés de chemin de fer, des militaires, parfois un marin égaré, un spectateur d'on ne sait où, les poings dans les poches, les sourcils froncés. Et leurs idylles ! Leurs amoureuses sont toutes belles, il n'y a pas de putains ici. Elles sont franches et honnêtes jusqu'à un certain point. Si elles veulent danser avec un homme, elles le lui demandent (...). Elles gambadent, font les folles et plaisantent entre elles. Entre les danses, elles courent l'une derrière l'autre, sur et sous les tables et les chaises. Le propriétaire, M. Pouillaude, jette à la ronde des regards indulgents et sourit. A la porte, le policier bâille; il a les yeux gais et se sou vient du temps où lui aussi faisait le fou. Un ou deux vieillards expriment leur pensée à haute voix : "La jeunesse est, après tout, la meilleure chose au monde". L'entrée est à cinquante centimes en semai ne et un franc le dimanche.

à suivre

J. DELAUNEY


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