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L'avant garde russe (1905-1925)

  L'avant garde Russe (1905-1925)

                                                 

Le Musée des Beaux-Arts de Nantes pré sente, jusqu'au 18 avril 1993, une exceptionnelle exposition de peintres qu'on a appelés l'"avant-garde russe". Disons tout de suite que cette exposition est une réus site totale. Si votre disponibilité vous le permet, ne la manquez pas : ce genre d'événement est rare.

Au début de ce siècle, les "avant-gardes" internationales, comme on disait déjà, entretenaient des liens permanents et féconds. Depuis que l'impressionnisme avait bouleversé la vision picturale, bien d'autres approches, tentatives et expériences étaient en cours, et dans tous les pays d'Europe. Les écoles fleurissaient, les théories bourgeonnaient mais, et c'est le plus important, des artistes créaient. Tous ces mouvements engendraient des "ismes" auxquels des peintres se rattachaient avec enthousiasme ou par réaction. Ils trouvaient surtout au sein des ces groupes matière à rencontres, matière à se confronter, matière à exister aux yeux de semblables pour lesquels peindre était la seule chose qui compte pour rester debout. Ces mouvements sont entrés comme références obligées dans les histoires de l'art : expressionnisme, cubisme, fauvisme, futurisme, suprématisme, rayonnisme, et d'autres encore qui n'existent souvent qu'un court moment et ne comptent qu'un seul auteur. Est-ce important ? Pour les spécialistes et les historiens, il y a là matière à compilation et souvent, il est vrai, découverte et compréhension d'une époque.

 

Le catalogue de l'exposition de Nantes est à ce titre un modèle du genre. Il fera date et restera un ouvrage de référence. La qualité des reproductions ne tient pas devant les oeuvres mais, en est-il jamais autrement ? Nous restent donc les oeuvres présentées. Nous ne sommes plus les contemporains de ces artistes russes, entraînés dans la Révolution de 1917 et qui croyaient sincèrement changer le monde. Ils ont d'ailleurs pour la plupart payé très cher cette illusion : soit par l'exil volontaire, soit par l'oubli, soit pour certains le ralliement au Réalisme Socialiste, qui devait faire peser sa chape sinistre à partir des années trente.

Depuis le début du siècle, nombre de ces artistes russes était allés à Paris. La plupart étaient partie prenante des avancées picturales du "Bateau Lavoir" autour de Picasso, Braque et autres. Léger avait exposé ses oeuvres dès 1912; le bouillonnement était réel. Mais surtout les démarches étaient authentiques et vitales.

Pour qui s'intéresse un tant soit peu à l'art du 20ème siècle, cette exposition procure l'immense bonheur de la découverte d'oeuvres bouleversantes de rigueur et d'authenticité. Là est le lieu profond de cet événement. Tout ce que l'art contemporain de notre siècle a pu mettre en acte de facilité, de manipulations, de répétitions, de coups montés et de pitoyables pitreries, est balayé d'un coup de pinceau par les cimaises de Nantes. La jubilation, la quête, la souffrance et l'explosion des couleurs s'offrent à nos yeux. La confrontation en dialogue des formes, des lignes, des structures avec l'autonomie des cou leurs et l'alchimie de la composition, déclenche chez le visiteur comblé un silence intérieur qui renoue avec le mystère absolu de toute création humaine. En de tels moments, tous les artistes de tous les temps sont tous contemporains du même geste, de la même quête, des mêmes nécessités. Celles de cha cun d'entre nous quand nous décidons que mourir n'est pas l'objectif de nos vies. Seule compte la vibration qui se déploie dans une verticalité, fût-elle éphémère, et qui détourne l'essence du temps.

Admirable exposition d'oeuvres d'artistes connus comme Kandinsky et Malevitch, ou oubliés et inconnus comme Boris Chapochnikov, Olga Deineko, Alexandrarna Exter, morte en France en 1949 dans un grand dénuement, Paul Filonov, etc. Trente-quatre peintres réunis pour la première fois, après soixante années de descente en cave. Il aura fallu la chute du régime soviétique pour les faire sortir de leurs caches. Il aura fallu aussi le parti pris d'un conservateur, Henry-Claude Cousseau, pour que cette exposition atteigne la lumière. Et les péripéties n'ont pas manqué, si on se réfère à son entre tien avec Ph. Dagen, publié dans "Le Monde" du 28 janvier 1993. Car, après soixante-dix ans de totalitarisme bolchévique, la Russie se retrouve dans le monde capitaliste le plus barbare qui soit, où l'argent, la corruption et la violence côtoient la chaleur humaine et les plus grands espoirs.

Encore un petit mot pour finir aujourd'hui, car nous reparlerons de cet événement. Alors que je quittais ébloui et le coeur chaviré les cimaises de cette "avant-garde russe", mes pas me conduisirent vers les salles permanentes du Musée de Nantes. Ce musée est à visiter pour ses collections d'une extra ordinaire qualité. Mais, je me retrouvai ensuite dans la salle des dépôts du F.R.A.C.. Je passai en vingt cinq mètres et quelques minutes de l'authentique à la supercherie. L'expérience fut telle que je vous la conseille plutôt qu'un long discours. Les avant gardes se suivent mais ne se ressemblent pas. Après la splendeur, la tartufferie. Ainsi va le monde... dans les deux sens.

Alain Calonne


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