> Interviews > Judikael Pierre JUHEL , dit : Il est temps que l’homme faber se souvienne qu’il était d’abord homo sapiens.

Interview de Judikael 2

A l’écart des modes, Judikael travaille en solitaire, en marge de tous courant esthétiques. Sa forte personnalité lui permet de mener son œuvre comme il le faut : loin des fausses agitations officielles, avec l’authenticité et l’imaginaire qui lui conviennent.

« Comme Dieu a tout crée, Judikael veut tout peindre » a écrit très justement Dominique Chapelle.

Intrigués par cette peinture qui ne laisse jamais indifférent, nous avons voulu rencontrer l’artiste à l’œuvre énigmatique et attachante.

   

T.Demaubus : Vous concevez vos tableau en faisant preuve d’une très grande liberté dans le choix des matériaux et du médium. Associez-vous cette liberté dans le choix des matériaux et du médium à une liberté d’interprétation ?

Judikael : Ayant toujours aspiré à faire quelque chose de nouveau, il fallait que j’utilise toutes sortes de médium. Utiliser le carton, le bois, le tissu, la moquette ou bien la tôle, suppose un besoin et une grande capacité d’adaptation.

Très vite, je me suis aussi rendu compte que le pinceau n’était pas indispensable en peinture. Dali n’avait-il pas après tout réussi à transfigurer l’espace d’une verrière par la seule intervention de ses mains ?

Au début, l’huile m’ennuyait car elle ne répondait pas à mon besoin d’exécution rapide. Par contre, j’ai beaucoup utilisé le « serti », m’opposant d’ailleurs aux conseils de mon professeur de dessin.

En ce qui me concerne, connaître la nature physicochimique des matériaux que j’utilise est quelque chose de très important. Ainsi, je mélange une peinture acrylique à une peinture vinylique, c’est pour obtenir tel ou tel effet, ce n’est jamais gratuit.

T.D : Comment expliquez-vous cette utilisation très personnelle de la couleur qui est la vôtre ?

Judikael : Je considère qu’il est nécessaire pour un peintre d’opposer les couleurs. Par exemple, le ciel bleu appelle un cheval rouge et vice-versa. Le cheval rouge s’oppose au ciel bleu et c’est ce qui fait l’intérêt visuel du tableau. Je me suis ainsi attaché aux couleurs primaires.

Je recherche de plus en plus une épuration de la couleur. Pour cela, j’utilise des couleurs pures. Je travaille également en concentration de couleurs. Mais ce n’est jamais dû à une volonté de faire de l’art synthétique.

Dans chaque espace de construction de ma toile, il n’y pas de dégradé. C’est toujours une tâche, une projection de couleurs.

Chaque tâche construit un espace propre. Les couleurs sont posées telles quelles. Ce qui donne cette luminosité et ce côté tonique, éclatant. Seul le graphisme modifie les tons de ma toile.

T.D : Ce don d’improvisation n’occulte-t-il pas une grande maîtrise technique ?

Judikael : La peinture implique toujours une part de hasard et de maîtrise. Le thème reste toutefois un prétexte.

La chance pour une œuvre, c’est qu’elle porte en elle quelque chose de différent, quelque chose qui, fondamentalement, échappe à l’artiste. L’acte de peindre me permet de bâtir une carapace contre les agressions de la vie.

T.D : Comment parvenez-vous à établir une communication avec le public ?

Judikael : Je considère qu’un tableau est intéressant, qui par à celui qui le regarde, à partir du moment ou on le rejette ou qu’on l’accepte très fort. Bref, si ce tableau nous fait nous interroger, si l’on se demande pourquoi cela et pas autre chose…

A partir du moment où l’on rentre dans le jeu du peintre, il y a communication, osmose et donc plaisir esthétique.

T.D : Vos toiles évoquent souvent le thème du cirque. Pourquoi cette fascination pour le monde des gens du voyage ?

Judikael : Le cirque est avant tout synonyme de liberté, de folie et de couleurs. Ce choix thématique, véritable ouverture au surréalisme me permet de communiquer avec un public. Celui qui regarde une toile va accepter l’insolite qui est inhérent au monde du cirque.

J’aime placer mes personnages dans des situations affectives. Parler du cirque, c’est poser un regard de l’enfance sur l’enfance.

Un dessin ne me satisfait que s’il contient une petite anecdote.

T.D : Avez-vous besoin d’un environnement particulier pour peindre ?

Judikael : Le désir de peindre n’attend pas. Face à l’urgence, le médium passe après. L’inspiration n’attend pas. Mais urgence et rapidité ne signifient pas facilité. Une fois ma nouvelle technique – provisoire – totalement maîtrisée – je produis jusqu’à saturation de mon esprit. Puis je recommence au point zéro, comme un homme neuf.

T.D : Parlez-nous de la symbolique de vos toiles. Que signifie par exemple la présence du chat ou du poisson dans vos tableaux ?

Judikael : Chaque tableau a son histoire et contient une histoire. Le chat est un animal ésotérique, il reflète une charge affective, une vie en communauté. C’est aussi une invitation à la rêverie, le compagnon silencieux des poètes, des écrivains.

Dans ma peinture coexistent un univers abstrait – symbolique- et l’univers du quotidien. C’est de cette rencontre parfois étranges que naissent mes toiles.

Quant au poisson, il évoque pour moi la mer, élément vital. Ce n’est pas un élément décoratif.

T.D : Quels sont les peintres qui vous ont toujours le plus attiré ?

Judikael : La peinture médiévale, l’univers des vitraux m’intéresse énormément. Brueghel me plaît beaucoup. De même Archimboldo dans ses meilleurs « portraits ».

Très jeune, j’étais fasciné par les fresques égyptiennes. Ma première déception concernant la peinture fut d’apprendre que les dits « grands maîtres » trichaient pour la perspective avec la « Camera obscura »(chambre noire).

Toutefois, j’ai toujours gardé un penchant pour Jérôme Bosch dont le monde fantasmagorique me fascine.

T.D : Quel regard portez-vous sur l’art contemporain ?

Judikael : Je n’aime pas l’art conceptuel. Par contre, j’adore détourner les objets. De Picasso, je retiens surtout la célèbre phrase : « je ne cherche pas je trouve ». Kijno a fait des peintures sur papier kraft. Malheureusement, il en est toujours resté au même point avec en plus, l’utilisation de la bombe. Moi, ce qui m’intéresse, c’est la variété des médiums. Aujourd’hui, les tagueurs font mieux que Kijno !

T.D : Vous venez d’achever tout un travail sur le thème de Christophe Colomb et de la découverte de l’Amérique. Quelle thématique aimeriez-vous développer prochainement ?

Judikael : J’aimerais beaucoup exécuter des vanités. Le graphisme du crâne, très élémentaire et se prêtant à toute sorte de détournement, m’intéresse beaucoup. Par-dessus tout, ce qui m’attire dans la peinture, c’est quelle offre la possibilité d’une remise en question perpétuelle.

T.D : En définitive, vous aimez avant tout vous surprendre.

Judikael : Bien sûr. Ce qui ne veut pas dire pour autant que j’apprécie l’intellectualisme.

Ce dernier tue la peinture. A une époque où sévit la glose pseudo-intellectuelle, où beaucoup d’artistes peignent d’abord avec leur salive, il est important de privilégier la justesse de l’évocation et de l’idée.

Si je ne suis pas un intellectuel, je vis entouré de pseudo-intellectuels.

Il est temps que l’homo faber se souvienne qu’il était d’abord hommo sapiens.


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